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Les terres rares, et après ?

Les terres rares, et après ?

09.05.2019, par
Pour des raisons qui n’ont en fait pas grand-chose à voir avec leur abondance, les problèmes d’approvisionnement en terres dites « rares » pourraient freiner la transition écologique. La chimie a quelques solutions à proposer, comme l'explique Michel Latroche dans ce billet publié avec Libération.

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Indispensables au développement de nos technologies de pointe mais inégalement réparties sur la planète et difficiles à produire, les terres rares sont devenues une source de tensions géopolitiques et économiques. La chimie peut répondre à ces enjeux en découvrant des matériaux de substitution ou en concevant des procédés efficaces de recyclage de ces métaux.

Les propriétés magnétiques de certains métaux rares font qu’ils sont utilisés aussi bien dans les appareils high-tech que dans les appareils d’imagerie médicale.
Les propriétés magnétiques de certains métaux rares font qu’ils sont utilisés aussi bien dans les appareils high-tech que dans les appareils d’imagerie médicale.

Improprement appelées terres rares, les lanthanides sont en fait aussi abondants que d’autres métaux comme le nickel ou le cuivre mais beaucoup plus dispersés. Cette appellation de terres rares recouvre les éléments situés entre le numéro atomique 57 (lanthane) et le numéro 71 (lutétium) de la table périodique des éléments ainsi que le scandium et l’yttrium.

Improprement appelées terres rares, ces métaux sont en fait aussi abondants que le nickel ou le cuivre mais beaucoup plus dispersés.

Ils ont été découverts entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle par des chimistes suédois, allemands et français. La plupart de ces éléments ont alors été considérés comme rares parce que leurs minerais paraissaient peu abondants, assez dispersés et leurs métaux difficiles à séparer. Il aura fallu plus d’un siècle pour mettre au point des procédés d’extraction et apprendre comment exploiter leurs propriétés chimiques, physiques et électroniques exceptionnelles.

Des propriétés que les lanthanides tirent essentiellement de la configuration électronique particulière de leurs atomes.

Candidats à la transition énergétique

L’une des applications les plus réputées des terres rares est liée à leurs propriétés magnétiques, en particulier celles du néodyme, du praséodyme, du dysprosium, du samarium ou encore du gadolinium. Celles-ci ont permis de développer des aimants permanents et particulièrement efficaces que l’on retrouve aujourd’hui partout : des moteurs électriques aux générateurs d’éoliennes, des systèmes d’enregistrement magnétique haute densité aux appareils d’imagerie médicale. La transition énergétique repose ainsi aujourd’hui en grande partie sur le développement de technologies exploitant ces éléments : supraconducteurs à haute température, céramiques et alliages en milieux extrêmes, batteries alcalines équipant les véhicules électriques hybrides.

On utilise par ailleurs les métaux rares dans l’optique pour les lasers monochromatiques de grande puissance mais également dans l’optoélectronique pour leurs propriétés de photoluminescence. Enfin, les propriétés chimiques de l’oxyde de cérium, un des lanthanides, sont particulièrement utilisées pour la régulation des polluants dans les pots catalytiques, la production d’hydrogène par transformation de la biomasse ou encore le polissage des verres.

Production polluante et peu rentable

Les conditions d’exploitation et de production des terres rares sont toutefois sujettes à controverse. Les minerais de terres rares se présentent sous la forme de mélange de ces différents éléments, or les propriétés chimiques des lanthanides sont très proches ce qui rend difficile leur séparation. Les méthodes de séparation utilisées aujourd’hui font appel à des procédés complexes – extraction liquide-liquide, résines échangeuses d’ions, etc. – et notoirement polluants : rejets d’acides, de bases, de solvants, de métaux lourds ou de déchets radioactifs.

Mine de Bayan Obo, région autonome de la Mongolie intérieure : la Chine détient un quasi monopole de la production des terres rares.
Mine de Bayan Obo, région autonome de la Mongolie intérieure : la Chine détient un quasi monopole de la production des terres rares.

Les normes environnementales, les coûts de production élevés et les faibles concentrations en métaux rares de certains gisements ont conduit des pays industrialisés à abandonner progressivement cette production peu rentable. Ils ont donc dû s’approvisionner auprès de fournisseurs étrangers – notamment en Chine –, contribuant ainsi à la mise en place de monopoles. Aujourd’hui, l’intérêt stratégique de ces éléments pousse les dirigeants et les industriels à repenser les modes d’approvisionnement de ces métaux et à leur chercher des produits de remplacement.
 

Matériaux de substitution

Des pistes sont aujourd’hui explorées pour produire de façon moins polluante et s’affranchir des fluctuations de prix sur les marchés. La première consiste à développer les recherches dans le domaine de la chimie du solide afin de mettre au point de nouveaux matériaux pouvant se substituer à ceux contenant des terres rares. Bien que difficile à réaliser pour certaines applications reposant essentiellement sur leur configuration électronique très particulière (la luminescence, les lasers ou le magnétisme), des recherches sont néanmoins menées en ce sens.

L’intérêt stratégique de ces éléments pousse les dirigeants et les industriels à repenser les modes d’approvisionnement de ces métaux et à leur chercher des produits de remplacement...

Ainsi, des travaux ont montré qu’en nano-structurant des particules contenant des éléments simples et largement disponibles comme le fer, le cobalt et le carbone, il est possible d’obtenir des propriétés magnétiques rivalisant avec celles d’aimants permanents élaborés à partir de métaux rares. L’objectif de réduction de l’utilisation des terres rares est également à portée de main pour d’autres fonctions comme la catalyse en développant de nouveaux catalyseurs bimétalliques à base d’éléments de transition  ou pour les

accumulateurs alcalins avec la conception de nouveaux matériaux d’anodes sans terres rares, plus légers et résistant bien à la corrosion.

Recyclage : alternative à l'exploitation minière

La seconde piste est celle du recyclage des objets existants pour récupérer les précieux éléments qu’ils contiennent. Aujourd’hui, on peut considérer comme des mines hors sol les montagnes de déchets technologiques produits par nos sociétés. Extraire et recycler les métaux qui les composent pour pouvoir les réinjecter dans l’économie représente un enjeu considérable sur le plan technologique.

Nos sociétés produisent des montagnes de déchets technologiques contenant des terres rares. Leur recyclage peut se révéler une alternative à l’exploitation minière.
Nos sociétés produisent des montagnes de déchets technologiques contenant des terres rares. Leur recyclage peut se révéler une alternative à l’exploitation minière.

C’est aussi une voie prometteuse pour s’affranchir des gisements miniers et de leurs contraintes géographiques et environnementales. Ainsi, des industriels européens et japonais se sont lancés dans des filières de valorisation en recyclant les aimants permanents contenus dans nos produits high-tech (disques durs d’ordinateurs, haut-parleurs, petits moteurs électriques) mais également pour d’autres filières comme les batteries nickel-métal hydrure (NiMH), les lampes à fluorescence ou encore les poudres de polissage des verres. Ces procédés devront toutefois rester suffisamment abordables et respectueux de l’environnement pour être viables et compétitifs vis-à-vis de la production minière.

Pour atteindre ces objectifs, des recherches fondamentales devront être menées pour permettre les avancées nécessaires à cette révolution dans le domaine des matériaux et nous permettre de continuer à développer des technologies pointues mais respectueuses de l’environnement et utile à nos sociétés modernes. ♦
 
 
Les points de vue, les opinions et les analyses publiés dans cette rubrique n’engagent que leur auteur. Ils ne sauraient constituer une quelconque position du CNRS.
 

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