Donner du sens à la science

Jean Zay ? C'est la République !

Jean Zay ? C'est la République !

14.02.2024, par
Grand réformateur de l’École et de sa démocratisation, fervent défenseur de la culture sous toutes ses formes, fondateur du Festival de Cannes... 80 ans après son assassinat, l’Académie des sciences, en partenariat avec Universcience et le CNRS, rendra hommage à Jean Zay lors d'un colloque qui se tiendra le 4 mars.

20 juin 1944. Deux semaines après le débarquement allié en Normandie, des miliciens de Vichy extraient un détenu de la prison de Riom, dans le Puy-de-Dôme, au prétexte de le transférer à Melun. Arrivés près de Cusset dans l’Allier, ils l’assassinent, jettent son corps dans une crevasse et le recouvrent sous un éboulement. Jean Zay n’avait pas 40 ans. Plus qu’un homme, c’est un symbole que les meurtriers ont cherché à faire disparaître ce jour-là : une incarnation de la République, ainsi que le relève son biographe Olivier Loubes1.

Républicain de cœur et d’âme

Né à Orléans en 1904, Jean Zay accomplit un brillant parcours au sein de l’École républicaine. Il entreprend ensuite des études de droit, rejoint le parti radical, la Ligue des droits de l’Homme, et écrit dans les colonnes du journal que dirige son père Léon – Le Progrès du Loiret, devenu La France du Centre en 1927. Inscrit au barreau d’Orléans l’année suivante, il est élu député du Loiret en 1932 et ne tarde pas à apparaître comme une étoile montante de son parti, dont il contribue à préparer le ralliement en 1935 à un rassemblement populaire associant socialistes et communistes.

Jean Zay (1904-1944), ministre français de l’Éducation nationale de juin 1936 à septembre 1939.
Jean Zay (1904-1944), ministre français de l’Éducation nationale de juin 1936 à septembre 1939.

Les élections législatives du 26 avril et du 3 mai 1936 consacrent la victoire de cette coalition : à partir du 4 juin, le Front populaire prend en main le destin de la France. Léon Blum accède à la présidence du Conseil, tandis que Jean Zay, à 31 ans, reçoit le portefeuille de l’Éducation nationale. Il conserve cette fonction capitale dans tous les gouvernements qui se succèdent jusqu’en septembre 1939, et pour cause : le jeune ministre met toute la force de ses convictions et de son engagement au service de la République, bâtissant une œuvre immense non seulement en faveur de l’enseignement et de sa démocratisation, mais aussi dans le champ de la culture – on lui doit le Festival de Cannes ! – ou dans celui de la recherche scientifique.

Vers le CNRS

En juin 1936, la recherche a fait pour la première fois son entrée au gouvernement avec l’instauration d’un sous-­secrétariat d’État rattaché à l’Éducation nationale. Pendant trois mois, Jean Zay travaille ainsi de concert avec Irène Curie – car pour la première fois aussi, avec le Front populaire, des femmes font leur entrée au gouvernement… bien qu’elles soient encore privées du droit de vote ! Puis, à partir de septembre 1936, la grande chercheuse ayant exprimé son souhait de retrouver son laboratoire, le physicien Jean Perrin est appelé à prendre sa suite : « Ce sous-secrétaire d’État septuagénaire et glorieux déploya aussitôt la fougue d’un jeune homme, l’enthousiasme d’un débutant, non pour les honneurs, mais pour les moyens d’action qu’ils fournissaient », se souvient quelques années plus tard dans ses mémoires, Souvenirs et solitude, un Jean Zay rempli d’admiration.
 

Jean Perrin et Jean Zay (au centre), à l'inauguration du Palais de la Découverte, en mai 1937.
Jean Perrin et Jean Zay (au centre), à l'inauguration du Palais de la Découverte, en mai 1937.

N’est-ce pas dans ce domaine, qui lui était pourtant étranger, que l’héritage de Jean Zay est le plus édifiant ? Ses réalisations permettent en tout cas de distinguer l’homme d’État qu’il a été, des hommes et femmes politiques qui ont laissé une trace souvent plus fugace dans notre histoire. À la tête de son ministère, Jean Zay n’a pas asséné ses certitudes à la communauté savante, mais a su en écouter les attentes et apporter un soutien sans faille à celui qui les défendait avec le plus d’inspiration. Avec Jean Perrin, Jean Zay a ainsi installé la science au cœur de la société, et auprès des plus jeunes surtout, en créant le Palais de la Découverte. Ensemble, ils ont aussi conçu et bâti une nouvelle organisation de la recherche, en jetant les bases du CNRS. Et si l’on se demande pourquoi la signature de Jean Zay ne figure pas sur le décret fondateur de notre établissement, le 19 octobre 1939, une dernière précision s’impose : il a choisi de quitter son ministère le 2 septembre 1939, à la veille de la déclaration de guerre de la France au Troisième Reich, pour revêtir son uniforme de sous-lieutenant et rejoindre la IVe armée française en Lorraine… ♦

Information
Colloque « Jean Zay, un héritage vivant », organisé par l'Académie des sciences avec Universcience et le CNRS, 4 mars 2024, 17h30, auditorium André & Liliane Bettencourt, Institut de France 23, quai de Conti - 75006 Paris.
Programme et inscription (dans la limite des places disponibles).

Notes
  • 1. Jean Zay, Olivier Loubes, éditions Armand Colin, 2012.

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du journal CNRS