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Grande enquête « CNRS Le Journal »

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Grande enquête « CNRS Le Journal »

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Quelle voiture pour demain ?

Quelle voiture pour demain ?

30.03.2015, par
Voiture en lévitation magnétique.
Expérience de lévitation magnétique, réalisée grâce à des aimants (constituant la route) et d'un matériau supraconducteur (dans la voiture).
Des voitures moins gourmandes en énergie, moins polluantes, connectées et complètement autonomes. C’est ce que nous promettent chercheurs et industriels pour demain. Petit aperçu des recherches en cours à l'occasion des Innovatives "Voiture du futur", un événement organisé le mardi 31 mars par le CNRS.

Le défi de l'autonomie

Quelle sera la conduite de demain ? Serons-nous toujours sollicités ou complètement débarrassés de la « corvée de conduite » dans les situations répétitives et ennuyeuses ? Philippe Bonnifait, professeur à l’université de technologie de Compiègne et directeur du GDR Robotique, travaille sur les voitures autonomes dans lesquelles le conducteur, toujours présent derrière le volant, décide de laisser la main à un robot, « partenaire » de conduite. Ce dernier se présente sous la forme d’un ordinateur de bord capable de conduire le véhicule, c’est-à-dire de prendre des décisions après traitement des données recueillies par des logiciels de perception de l’environnement, de localisation, de planification..., embarqués dans le véhicule. Prudent, le robot partenaire de conduite est capable de rendre la main au conducteur quand la situation de conduite devient trop complexe par rapport à ses capacités...

Navettes autonomes circulant sans chauffeur développées à l'Institut Pascal.
Navettes autonomes circulant sans chauffeur développées à l’Institut Pascal.
Navettes autonomes circulant sans chauffeur développées à l'Institut Pascal.
Navettes autonomes circulant sans chauffeur développées à l’Institut Pascal.

Des chercheurs de l’Institut Pascal, à Clermont-Ferrand, en collaboration avec le constructeur Ligier, ont mis au point en 2013 une navette totalement autonome, qui répond au nom de EZ10. Cette navette d’une capacité de 10 personnes roule seule sur des sites protégés (sites industriels, parcs d’attraction, parkings). Testé au CHU d’Estaing, le véhicule assurait la liaison entre le parking et le parvis, distants de 350 mètres. « Cette navette se déplaçait entre une borne située sur le parvis et une autre sur le parking, à la manière d’un ascenseur horizontal », indique Michel Dhome, directeur de l’Institut Pascal1. Actuellement, un test sur le site R&D Michelin de Ladoux évalue les capacités du véhicule pour fonctionner de deux façons : en « mode tram » aux heures de pointe pour assurer la liaison entre le parking et le site industriel ; en « mode taxi » aux heures creuses pour permettre aux personnes de se déplacer d’un bâtiment à l’autre plus aisément. Après une première phase d’apprentissage, la navette se fraye un chemin à l’aide de son ordinateur de bord capable d’analyser en temps réel les informations qui sont collectées par les différents systèmes embarqués : deux caméras vidéo et des télémètres laser. « Nous avons développé un système économiquement bon en choisissant des capteurs à bas coût., continue Michel Dhome. Contrairement à la Google Car dont le capteur principal, situé sur le toit, vaut plus cher que le véhicule lui-même. »
 

Des matériaux plus légers

« Pour consommer moins, il faut des voitures plus légères », explique Sabine Denis, scientifique de l'Institut Jean Lamour2. Or les métaux représentent à l'heure actuelle 70% du poids d'un véhicule. Pour réduire cette part, deux méthodes sont utilisées : rendre les matériaux et procédés existants plus performants (aciers à très haute résistance, nouveaux alliages d’aluminium, composites…) ou en développer de nouveaux. On peut citer les procédés de mise en forme par fabrication additive, qui permettent de fabriquer des pièces plus légères sur mesure, ainsi que les matériaux architecturés, dans lesquels il s’agit d’associer plusieurs matériaux et de les architecturer dans l’espace pour obtenir différentes propriétés physiques et chimiques. Dans toutes ces démarches, la modélisation à différentes échelles est indispensable, en étroite relation avec l’expérimentation. Toujours aidé par la modélisation, il est possible, grâce à la métallurgie dite combinatoire, de trouver de nouveaux matériaux ou de modifier un matériau connu pour améliorer certaines de ses propriétés. Cependant, les constructeurs étant peu enclins au changement, Yannick Champion, chercheur à l’Institut de Chimie des Matériaux de Paris-Est, reconnaît avoir « des cartons remplis de matériaux aux coûts raisonnables, très performants mais non commercialisés car ils ne répondent pas totalement au cahier des charges des entreprises. »

Métaux et alliages
Métaux et alliages, la recherche se concentre sur les plus performants et surtout les plus légers.
Métaux et alliages
Métaux et alliages, la recherche se concentre sur les plus performants et surtout les plus légers.

Des alternatives au pétrole

Le XXIe siècle verra-t-il la fin des véhicules thermiques ? En Europe, la norme Euro VI imposera à l’horizon 2020 de limiter les émissions de CO2 à 95 g/km par véhicule contre une moyenne de 115 g/km pour une voiture neuve produite aujourd’hui3. Les véhicules tout électriques se présentent comme LA solution, avec deux pistes privilégiées : les batteries nouvelle génération et les piles à combustible.

Les moteurs des véhicules électriques en circulation aujourd’hui sont principalement alimentés par des batteries de type Li-ion. Problème : ces dernières présentent une autonomie assez faible - 200 km au mieux. Le but de la recherche dans le secteur des accumulateurs est de stocker de l’énergie en masse et à bas coût. « La recherche tend vers le développement d’accumulateurs verts grâce à la synthèse à basse température, car elle demande peu d’énergie, ou à la biominéralisation en synthétisant des produits issus de la biomasse » indique Jean-Marie Tarascon, professeur au Collège de France et directeur du Réseau sur le stockage électrochimique de l’énergie (RS2E). La batterie lithium-soufre (ou Li-S), dont les prototypes donnent de bons résultats en laboratoire, présente une densité d’énergie massique (la quantité d'énergie qu'une batterie peut restituer par rapport à sa masse) de 400 Wh/kg, soit deux fois celle des batteries Li-ion. « J’ai beaucoup d’espoir pour cette batterie qui devrait arriver sur le marché dans les prochaines années », indique Patrice Simon, directeur adjoint du RS2E.

Autre technologie prometteuse : la batterie Li-air, dans laquelle une électrode au lithium est couplée à une électrode de pile à combustible. Cette batterie permet de concentrer une densité d’énergie massique de l’ordre de 1 000 Wh/kg, mais elle présente un verrou technologique majeur : la formation de superoxydes qui dégradent rapidement la batterie. Si ces nouvelles technologies laissent augurer des véhicules plus « propres », il ne faut pas oublier la production de l’énergie nécessaire pour charger ces batteries. Par exemple, pour produire une batterie Li-ion d'une énergie de 1 kWh, il faut 400 kWh d'énergie, ce qui génère une émission de 75 kg de CO2. Difficile dans ces conditions de parler de véhicule « zéro émission »…

Batteries au Lithium
Batteries au lithium conservées dans une armoire à température contrôlée.
Batteries au Lithium
Batteries au lithium conservées dans une armoire à température contrôlée.

La pile à combustible, elle, présente un atout majeur par rapport aux batteries : la possibilité de parcourir de longues distances. La Toyota Mirai, lancée au Japon cette année et en Europe l’année prochaine, annonce une autonomie de 500 km. Une pile à combustible utilise l’hydrogène (H2) et l’oxygène (O2) comme carburants. Problème : l’hydrogène n’existe pas à l’état naturel. Il faut donc le produire de façon industrielle. Soit par électrolyse de l'eau, qui décompose la molécule d’eau en hydrogène et en oxygène (ce qui demande d'utiliser de l’électricité produite à ce jour majoritairement dans des centrales thermiques ou nucléaires...), soit en l’extrayant de composés hydrogénés comme le méthanol (un alcool), le gaz naturel, l’essence ou même le charbon... « L'autre frein pour l’usage de ces piles est leur coût », indique Gérald Pourcelly, professeur à l’Institut européen des membranes4 et chargé de mission à l’Institut de chimie du CNRS pour l’Alliance Ancre (Énergie). En effet, le platine (Pt), métal noble et donc cher, y est utilisé comme catalyseur. Les recherches s’intensifient pour en diminuer la quantité. La mise au point de matériaux à l’échelle nanométrique, la nanostructuration, se présente comme la voie à suivre pour relever ce défi. Elle permet d’utiliser une moindre quantité de Pt sans pour autant diminuer les performances de la pile.

video_pile_a_combustible

À propos
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Année de production: 
2015
Durée: 
1 min 21
Réalisateur: 
Luc Ronat
Producteur: 
CNRS Images

Un autre souci posé par l’usage de cette technologie est le stockage du combustible, H2. . Ce dernier est comprimé à des pressions élevées, de l’ordre de 700 bars, dans des réservoirs faits d’un matériau à la fois très léger et très résistant. L’hydrogène est un gaz très volatil et inflammable, voire explosif sous certaines conditions de pression et de températures. Les fuites sont à éviter absolument. Qu'on se rassure : les réservoirs sont capables de supporter des pressions très élevées, allant jusqu’à 3 fois la pression de remplissage soit 2100 bars. « Cette technologie est plus sûre que celle du gaz pétrole liquéfié,» rappelle Gérald Pourcelly, qui précise :« Aujourd’hui, il est possible de comprimer jusqu’à 6 kg de H2 pour un réservoir de 100 kg ». Sachant qu’il faut environ 1 kg d’hydrogène pour 100 km, il est possible de parcourir environ 600 km avec un tel remplissage. Mais, dans ce cas, la moitié du volume du coffre de la voiture est occupé, ce qui ne correspond pas au cahier des charges des constructeurs...

video_Berlin_hydrogene

À propos
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Année de production: 
2015
Durée: 
3 min 13
Réalisateur: 
Luc Ronat
Producteur: 
CNRS Images

Routes et voitures connectées

À Grenoble, Carlos Canudas de Wit et son équipe NeCS du Gipsa-Lab travaillent sur des algorithmes de régulation et de prédiction du trafic à l’aide d’un dispositif expérimental installé sur la rocade intérieure sud de la ville, le Grenoble Traffic Lab. Cette portion de route, longue de 10,5 km, connaît tous les jours des engorgements aux heures de pointe qui engendrent pollution et bouchons. Les chercheurs ont déployé un réseau de mini-capteurs, enfouis sous l’asphalte, qui mesurent la vitesse du véhicule et le flux. L’équipe intègre ensuite ces informations. L’algorithme développé pourra permettre, dans les années à venir, de réguler le trafic en temps réel en appliquant des commandes aux actionneurs installés à l’entrée (feux) et tout au long (panneaux de signalisation de vitesse variable) de la rocade. Carlos Canudas de Wit reste cependant prudent, les algorithmes de régulation permettant une optimisation du trafic mais pas une élimination totale des problèmes de circulation, qui dépendent fortement du flux de véhicules. Enfin, un conducteur pourra ou non suivre les suggestions affichées sur le bord de la route. « Avec l’arrivée de la voiture connectée, il sera possible de collecter les informations issues d’un véhicule précis et de suggérer à son conducteur des consignes personnalisées », précise le chercheur.

video_predire_pour_reguler

À propos
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Année de production: 
2015
Durée: 
4 min 58
Réalisateur: 
Christophe Gombert
Producteur: 
CNRS Images

Le véhicule du futur et sa connectivité sont au cœur des travaux de Giovanni Pau et de son équipe au sein du laboratoire d’informatique de Paris-65. À travers la chaire « Smart & connected mobility », cofinancée par Renault et Atos, il étudie la connectivité des voitures et explore plus particulièrement deux voies : la communication entre les véhicules, de type communication peer-to-peer et la communication avec l’environnement. Les études réalisées dans ce cadre s’intéressent aux voitures qui seront sur le marché dans les quinze à vingt prochaines années et qui (très probablement !) seront toutes connectées entre elles.

Une chose est sûre : si les voitures connectées présentent de nombreux avantages, elles posent aussi d’importantes questions de sécurité. En février dernier, un sénateur américain a publié un rapport assez alarmant : des données collectées auprès de 16 grands constructeurs automobiles ont montré que la quasi-totalité des véhicules connectés sur le marché présentaient des failles de sécurité. Sécuriser les voitures contre les piratages informatiques représente donc un défi de taille pour les chercheurs du monde entier.

En ligne : le site des Innovatives "Voiture du futur", des rencontres chercheurs/industriels organisées par le CNRS le 31 mars au siège de l'organisme, à Paris.

A voir aussi : notre infographie "Voiture et mobilité du futur"

 

Notes
  • 1. Unité CNRS/UBP/IFMA
  • 2. Unité CNRS/Univ. de Lorraine
  • 3. Source : OICA-07/2014.
  • 4. Unité CNRS/ENSCM/Univ. de Montpellier
  • 5. Unité CNRS/UPMC
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Auteur

Meryem Tizniti

Meryem Tizniti est étudiante en journalisme scientifique à l’université Paris-Diderot et diplômée en physique.

Commentaires

1 commentaire

Un article très complet, et qui amène plusieurs interrogations : - Si les capteurs de la Google Car sont cher, est ce finalement un problème sachant que le modèle économique et la location et qu'une Google Car sera utilisée de façon beaucoup plus optimisée qu'un véhicule standard. - Pourquoi les Google Car ne sont finalement pas connectées entre elles? Est ce justement pour éviter tous les problèmes de sécurité qui peuvent survenir si un véhicule fait confiance aux données en provenance d'un tiers ?
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