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Ces résistantes derrière l’Affiche rouge

Ces résistantes derrière l’Affiche rouge

08.03.2024, par
© Gonzague Dreux / Gamma-Rapho
Contrôle des papiers dans un train lors du passage de la ligne de démarcation à Moulins (Allier), en 1943.
Après la panthéonisation de Mélinée et Missak Manouchian, l'historien Denis Peschanski revient sur le rôle longtemps méconnu mais ô combien important des femmes et des étrangers dans la Résistance.

On parle peu des femmes dans la Résistance, pourquoi sont-elles à ce point rendues invisibles ?
Denis Peschanski1. Pour trois raisons au moins. D’abord et avant tout à cause de leur statut dans la société. À l’époque plus encore qu’aujourd’hui bien entendu. Ensuite, dans le cas de la lutte armée, elles ne se servent pas, en général, des armes à feu et comme elles passent inaperçues, elles transportent les armes sur les lieux des attentats, cachées dans un cabas ou une poussette. Mais ce sont les hommes qui tirent. Il y a bien sûr des exceptions, mais telle est la règle. Au demeurant, elles jouent aussi leur peau en faisant cela. Enfin, troisième raison, avant la guerre elles n’ont toujours pas le droit de vote ; elles s’impliquent donc moins que les hommes dans la vie politique et sont peu présentes dans les partis. L’engagement reste une affaire d’hommes. Elles n’obtiendront le droit de vote qu’en avril 1944, en partie d’ailleurs grâce à leur action pendant la Résistance.

À partir de quand commence-t-on à parler du rôle des femmes dans la Résistance ?
D. P. J’ai l’habitude de dire, à propos de la mémoire collective et notamment pour la Seconde Guerre mondiale, qu’il n’y a pas un moment particulier où une histoire émerge, mais que plusieurs mémoires « fortes » et « faibles » coexistent. Dans le cas de ce conflit, on a vu apparaître alternativement la figure du Résistant, celle du Français veule ou collabo, celle de la victime juive ou encore le régime de Vichy, sans que jamais l’une ou l’autre de ces figures ne soit totalement effacée.

Il a fallu attendre que la communauté scientifique se penche sur la résistance dite « de sauvetage », en dehors des luttes armées, pour que l’importance du  rôle des femmes soit pleinement prise en compte. 

Pour ce qui est des femmes, il a fallu attendre que la communauté scientifique se penche sur la résistance dite « de sauvetage », en dehors des luttes armées, pour que l’importance de leur rôle soit pleinement prise en compte. Ce qui n’a pas empêché des figures comme celles de Germaine Tillion, Lucie Aubrac, Marie-Claude Vaillant-Couturier ou Geneviève de Gaulle-Anthonioz d’avoir toujours été présentes. Mais quand on a commencé à s’intéresser aux « Justes », soit celles et ceux qui avaient permis le sauvetage des Juifs, on s’est aperçu que les femmes y étaient très présentes2. Si nombre d'entre elles ont agi en coopération avec d'autres membres de leur famille, certaines ont été les initiatrices des sauvetages et ont œuvré de manière totalement indépendante.

En France, elles intervenaient par exemple dans les camps à travers les associations comme la Croix Rouge suisse, les Quakers ou l’Œuvre de secours aux enfants, où elles associaient travail légal et illégal. Dès 1940 par exemple, la Cimade3, entra dans les camps pour aider, légalement, les internés. Très vite ces organisations profitent de leur possibilité d’accéder à l’intérieur des camps de la zone sud pour mener clandestinement des actions illégales visant au sauvetage. On pense entre autres au rôle de Madeleine Barot, secrétaire générale de la Cimade, dans la création de centres d’accueil pour sortir des internés des camps et les sauver de la mort : Le Coteau fleuri au Chambon-sur-Lignon , le foyer Marie Durand à Marseille ou le foyer YMCA de Toulouse en sont quelques exemples.

© RMN
C’est à la fin de la guerre que les femmes sont « sorties de l’ombre ». Sur ce cliché de la photographe Julia Pirotte, elle-même membre de la Résistance, des femmes des FTP-MOI (francs-tireurs et partisans – main-d’œuvre immigrée) défilent à Marseille le 29 août 1944.
© RMN
C’est à la fin de la guerre que les femmes sont « sorties de l’ombre ». Sur ce cliché de la photographe Julia Pirotte, elle-même membre de la Résistance, des femmes des FTP-MOI (francs-tireurs et partisans – main-d’œuvre immigrée) défilent à Marseille le 29 août 1944.

Un livre a d’ailleurs pointé récemment le rôle crucial des femmes en tant que « helpers » (« assistantes »).
D. P. Oui, l’historienne Claire Andrieu, dans Tombés du ciel (Tallandier, 2021), a montré l’importance d’une résistance de sauvetage d’aviateurs américains et anglais qui avaient pu survivre au crash de leur avion, mais devaient être conduits jusqu’à la frontière espagnole pour rejoindre ensuite l’Angleterre. Or, les femmes jouèrent un rôle crucial dans cette forme de résistance mal connue jusqu’à ce livre. Claire Andrieu estime à quelque 34 000 helpers, dont un tiers de femmes, le nombre de ces combattants. Mais ce rôle a été oublié, ou minoré, la mémoire nationale mettant toujours en haut de la hiérarchie la lutte armée, dans les grandes villes comme dans les maquis.

© Robert Doisneau / Gamma-Rapho
Presse clandestine de la Résistance à Paris, 1945. À gauche, le peintre italien Enrico Pontremoli – nom de code Monsieur Philippe –, à droite sa femme Olga et au centre, le peintre Philibert.
© Robert Doisneau / Gamma-Rapho
Presse clandestine de la Résistance à Paris, 1945. À gauche, le peintre italien Enrico Pontremoli – nom de code Monsieur Philippe –, à droite sa femme Olga et au centre, le peintre Philibert.

L’autrice insiste en effet sur la dimension masculine du processus de reconnaissance des actes de résistance : les jurys d’attribution exclusivement masculins, les critères se focalisant sur les actions de type militaire et l’autocensure féminine auraient abouti à donner une image erronée de la Résistance, faisant la part belle aux jeunes hommes sans enfant au détriment des femmes, des enfants et des structures familiales. Les rapports des pilotes évadés témoignent pourtant du rôle crucial joué par ces personnes dans le succès de leur évasion. Sans la récupération de ces aviateurs juste après leur chute et la recherche d’une filière d’évasion, très peu d’entre eux auraient pu poursuivre le combat.

Pouvez-vous nous parler des FTP-MOI (francs-tireurs et partisans – main-d’œuvre immigrée) et de leur rôle dans la Résistance ?
D. P. Les FTP-MOI sont les unités intérieures de résistance française communiste fondées en avril 1942 pour conduire la guérilla urbaine en France contre l’occupant nazi. Le PCF s’était lancé dans la guérilla urbaine après la rupture du pacte germano-soviétique et les premiers groupes témoignaient déjà du rôle important des combattants étrangers. La réorganisation se fait à l’échelon national, avec la création des FTP, et à l’échelon de la région parisienne avec les FTP-MOI. Ces FTP-MOI avaient une double tutelle, militaire vers les FTP, politique vers la MOI. Celui qui organisa cette structure parisienne, le juif roumain Boris Holban, mit en place plusieurs détachements en fonction des groupes de langues parlées par ces étrangers : italien, roumain, etc. Il y adjoint un groupe de dérailleurs et, en juin 1943, une « équipe spéciale » en charge des exécutions de hauts responsables allemands. Aux combattants proprement dit s’ajoutaient un service de renseignements, chargé de repérer les cibles, un service médical et le groupe des agents de liaison.

© Keystone France / Gamma-Rapho
Le 16 juillet 1944, la milice française arrête un groupe important de résistantes et résistants lors d’une action militaire en Bretagne.
© Keystone France / Gamma-Rapho
Le 16 juillet 1944, la milice française arrête un groupe important de résistantes et résistants lors d’une action militaire en Bretagne.

Les effectifs ont varié mais, pour prendre l’exemple de l’été 1943, il y aurait eu moins de 70 personnes pour toute la région parisienne. Compte tenu des chutes successives, les groupes français étaient alors concentrés sur la banlieue, tandis que les FTP-MOI étaient de très loin les plus nombreux dans Paris intra-muros. Et, dans une confrontation radicale, ils furent tous repérés, filés, traqués, arrêtés et torturés par la police parisienne, singulièrement les brigades spéciales des Renseignements généraux, au nom du choix de la collaboration voulue, dès après la défaite, par l’État français de Pétain et Laval. Cette police se montra autrement plus efficace que ne l’aurait été la Gestapo. La propagande allemande, en faisant placarder sur les murs de France une affiche rouge où figuraient dix portraits de ces étrangers résistants qui seront tous fusillés le 21 février 1944, en a fait des héros.

Les femmes étaient-elles présentes au sein des FTP-MOI ?
D. P. Oui même dans ces groupes armés, on compte nombre de femmes. C’est d’abord le cas parmi les cadres : la juive bessarabienne Golda Bancic, dite « Olga », ou « Pierrette », qui avait connu les prisons roumaines dans les années 1930, était responsable de l’intendance militaire. Née en 1912 dans la ville moldave de Kichinev, elle travaille en usine dès l’âge de 12 ans, milite au parti communiste et se marie à 16 ans avec Alexander Jar, juif et communiste comme elle. Elle se trouve condamnée pour ses actions syndicales et politiques à une peine de prison de deux ans à l’issue de laquelle elle se réfugie en France. En 1938, en route pour l’Espagne républicaine qu’il fallait défendre contre les franquistes, elle débarque à Paris avec son mari. Ils ont ensemble une petite fille, Dolorès, qu’elle met à l’abri dans une famille française pour rejoindre les FTP-MOI. C’est elle qui organise le stockage des armes et des explosifs, leur transport sur les lieux des attentats et leur récupération pour que les soldats de l’ombre ne soient pas arrêtés en leur possession. 

De gauche à droite : Madeleine Barot, de la Cimade, qui sauva des centaines de juifs ; Golda Bancic, des FTP-MOI, après son arrestation le 18 novembre 1943 ; Cristina Boïco, responsable des renseignements aux FTP-MOI ; Irma Mico, prise en photo en 1941 par un soldat allemand lors d’un pique-nique au bois de Meudon (Hauts-de-Seine). Elle faisait partie de l’unité Travail allemand qui consistait à infiltrer l’ennemi.
De gauche à droite : Madeleine Barot, de la Cimade, qui sauva des centaines de juifs ; Golda Bancic, des FTP-MOI, après son arrestation le 18 novembre 1943 ; Cristina Boïco, responsable des renseignements aux FTP-MOI ; Irma Mico, prise en photo en 1941 par un soldat allemand lors d’un pique-nique au bois de Meudon (Hauts-de-Seine). Elle faisait partie de l’unité Travail allemand qui consistait à infiltrer l’ennemi.

Deuxième cadre des FTP-MOI, Cristina Boïco, dite « Monique », est responsable des renseignements au côté du responsable militaire Boris Holban puis de Manouchian, son successeur, fin juillet 1943. Comme Golda, c’est également une juive roumaine, née à Botosani en 1916 sous le nom de Bianca Marcusohn. Exclue de la faculté de médecine de Bucarest parce qu’elle est juive et communiste, elle arrive en France en 1938 puis au FTP-MOI en 1942.

Un groupe de femmes juives, parlant allemand, avait pour rôle d’infiltrer l’ennemi, risquant leur peau en se jetant dans la gueule du loup.

Son service identifie des objectifs pour les actions et les prépare en repérant les lieux. Elle a notamment pour tâche de collecter les renseignements sur les personnalités allemandes de haut rang. Cristina Boïco est à l'origine d'une des actions les plus retentissantes des FTP-MOI à Paris : elle repère un haut gradé dont elle ignore d’abord le nom et la fonction, mais qui se trouvera être le général SS Julius Ritter, responsable en France des réquisitions d'ouvriers pour l'industrie allemande par le biais du Service du travail obligatoire (STO). 

Elle entreprend sa filature pour connaître ses déplacements et permet ainsi son exécution par des FTP-MOI le 28 septembre 1943. Échappant aux arrestations de novembre 1943, elle devient au début de l'année 1944 la responsable des effectifs des FTP-MOI pour l'ensemble de la zone nord (occupée par les Allemands dès juin 1940). Ces deux personnes ne travaillaient pas les armes à la main, mais elles risquaient leur peau tous les jours, exactement comme les hommes.

Et que faisaient les agents « simples » ?
D. P. Les autres femmes, comme Madeleine Delers par exemple, dite « Catherine », étaient souvent engagées comme agents de liaison. Ce sont elles qui transmettaient les messages, fixaient des rendez-vous et devaient parfois, en cas d’alerte, stopper à temps le déroulement d’une action. Comme dans d’autres réseaux, ce sont les femmes qui cachent, hébergent, nourrissent les résistants. Et prennent des risques considérables, qu’elles soient ou non porteuses d’armes, sans oublier celles qui sont chargées d’apporter les armes et de les récupérer sur les lieux des attentats.

La MOI avait organisé un autre service tout à fait particulier, le Travail allemand (TA), qui était aussi dirigé par une femme ?
D. P. Oui, la section du Travail allemand était un détachement intermédiaire entre l’action politique et militaire. Il a été constitué en 1941 par Artur London (juif, tchécoslovaque, il a fait partie des Brigades Internationales), avec pour objectif d’infiltrer les troupes allemandes et de les démoraliser en menant des actions de propagande contre la guerre et contre Hitler. Une roumaine, Irma Mico, a ainsi organisé à Paris un groupe d’une quinzaine de jeunes femmes germanophones. D’origine tchèque, hongroise, roumaine ou autrichienne, elles étaient quasiment toutes juives et parlaient couramment allemand. Elles se baladaient dans les rues, entraient dans les cafés et accostaient ainsi les soldats allemands pour repérer les antinazis, convaincre les autres et obtenir qu’ils distribuent des tracts et des journaux en allemand.

© Jean-Marie Huron / Bibliothèque municipale de Lyon
Dora Schaul et l’avocat Joë Nordmann se rendant au procès de Klaus Barbie, officier de police SS sous le régime nazi, à Lyon, en 1987.
© Jean-Marie Huron / Bibliothèque municipale de Lyon
Dora Schaul et l’avocat Joë Nordmann se rendant au procès de Klaus Barbie, officier de police SS sous le régime nazi, à Lyon, en 1987.

Militant en province, Dora Schaul, juive allemande, communiste, résistante en France sous le nom de Renée Fabre, a témoigné bien plus tard et raconté comment elles avaient eu aussi pour consigne de se faire embaucher directement dans les services allemands, sur les bases aériennes, au tri postal militaire ou aux foyers des soldats. Dora s’est ainsi retrouvée au bureau de poste des armées à Lyon, qui se trouvait au même endroit que les bureaux de la Gestapo. Un officier lui ayant demandé de regarder s’il avait du courrier en lui donnant son code militaire, elle put par la suite apprendre par cœur les noms et les adresses de cinq militaires allemands par jour et les transmettre à l’organisation pour toute action de déstabilisation. Toutes ces femmes étaient d’un courage incroyable, elles se mettaient ainsi véritablement dans la gueule du loup.

Que sont-elles devenues ? Si elles étaient arrêtées, elles n’étaient jamais fusillées ?
D. P.  Sur les 69 personnes membres des FTP-MOI arrêtées en novembre 1943, 22 hommes seront fusillés, la plupart des autres déportés ; Golda Bancic, condamnée à mort, sera exécutée en Allemagne parce que les Allemands savaient les conséquences dévastatrices qu’aurait l’exécution d’une femme en France. La plupart des autres membres ont été déportés, dont la moitié de femmes4 . L’opinion française n’aurait pas accepté de voir une femme exécutée.

Plusieurs femmes arrêtées en France ont été envoyées en Allemagne pour y être guillotinées.

Les femmes arrêtées étaient déportées dans des camps, ou bien envoyées en Allemagne pour y être guillotinées ; Ce fut le cas pour Golda : condamnée à mort avec les 22 autres membres des FTP-MOI, elle fut guillotinée trois mois plus tard à Stuttgart. Irène Wosikowski, militante communiste d’origine allemande, faisait partie de la section TA à Marseille. Mise en accusation pour haute-trahison, atteinte au moral de l’armée et agissements en faveur de l’ennemi, elle fut aussi guillotinée en octobre 1944 à Berlin.

Nous sommes en train d’établir avec l’historien Thomas Fontaine la liste des femmes résistantes qui furent ainsi exécutées en Allemagne. Mais ce travail ne fait que démarrer.

Ces personnes ont été tardivement reconnues comme « mortes pour la France »…
D. P. À l’occasion de la panthéonisation de Missak Manouchian, je me suis rendu compte que des associations se battaient depuis des décennies pour que les étrangers fusillés au Mont-Valérien soient reconnus morts pour la France. Au Mont-Valérien, il y eut 185 étrangers sur les quelque 1 000 combattants exécutés par les Allemands. Et sur ces 185 étrangers, 92 n’avaient pas été reconnus comme « morts pour la France » en 2023 ! C’était même le cas de l’un des dix de l’Affiche rouge, Szlama Grzywacz. Imaginez que Golda n’a été reconnue morte pour la France qu’en 2011, près de 70 ans après qu’elle a été guillotinée ! La raison ? Une loi instituant en 1915 la mention « Mort pour la France » avait mis comme condition d’être de nationalité française.

© Archives Manouchian / Roger-Viollet
Après la guerre, manifestation pour la reconnaissance du droit au versement de pensions militaires aux familles des immigrés morts pour la France. On reconnaît Missak Manouchian sur la première pancarte tenue par un manifestant.
© Archives Manouchian / Roger-Viollet
Après la guerre, manifestation pour la reconnaissance du droit au versement de pensions militaires aux familles des immigrés morts pour la France. On reconnaît Missak Manouchian sur la première pancarte tenue par un manifestant.

Pour la Première Guerre mondiale, pas vraiment de problème : c’était un affrontement entre armées régulières et les légionnaires étrangers étaient de fait assimilés à des Français. La Seconde Guerre changeait la donne : il n’y avait pas vraiment d’armée régulière et beaucoup d’étrangers.

La moitié des étrangers fusillés au Mont-Valérien n’ont été reconnus « morts  pour la France » qu’en 2023.

Alors, après 39-45, l’administration a jugé au cas par cas en fonction du contexte et des pressions. Manouchian lui-même s’est vu attribuer cette mention en… 1971, alors qu’il était entré dans la mémoire collective, grâce à Louis Aragon et Léo Ferré, dès la fin des années 1950. Lorsqu’on lit les lettres que tous ces condamnés ont laissé avant de mourir et qui mentionnent quasiment toutes leur attachement à la France, c’est incroyable… Ils ont finalement obtenu cette mention par décision du président de la République en juin 2023. Et heureusement cette question ne fait pas débat. 

Vous étiez le conseiller historique du comité pour l’entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manouchian. En quoi est-elle importante ?
D. P. C’est une vraie révolution mémorielle que nous vivons. Missak Manouchian est le premier résistant étranger et premier résistant communiste à être ainsi honoré, accompagné de Mélinée, mais aussi des vingt-deux autres condamnés du procès de l’Affiche rouge et du chef des FTP parisiens Joseph Epstein. Il était temps de souligner le rôle essentiel des juifs, Polonais, Arméniens, Espagnols, Italiens, qui ont pris les armes. Lors de la cérémonie ce jour-là, au Mont Valérien, le président de la République est descendu à la clairière dans un geste marquant une convergence mémorielle, alors que depuis le début de la Ve République, tous les 18 juin, les présidents restaient sur l’esplanade en célébrant la France combattante. Et, dans le même temps, il a enclenché la résolution de l’anomalie liée à l’attribution de la mention « Mort pour la France ». ♦

À voir
Exposition « Vivre à en mourir, Manouchian et ses camarades de Résistance au Panthéon », jusqu’au 8 septembre 2024 dans la crypte du Panthéon, Paris 5e.
Informations et billetterie 

À écouter
« M.O.I, la main-d'œuvre immigrée en lutte », série documentaire en 4 épisodes sur France Culture.

À  lire
Missak Manouchian. Une vie héroïque, Didier Daenincks, Mako, Dominique Osuch, Les Arènes, janvier 2024, 120 p. (Bande dessinée. Cet album est complété par un dossier réalisé par Denis Peschanski sur le rôle décisif des étrangers dans la Résistance.)
Manouchian, Astrig Atamian, Claire Mouradian et Denis Peschanski, Textuel, coll. « textuel archives », novembre 2023, 192 pages, 250 images. 
Avec tous tes frères étrangers. De la MOE aux FTP-MOI, Dimitri Manessis et Jean Vigreux, Libertalia, février 2024, 272 p.
Tombés du ciel. Le sort des pilotes abattus en Europe, 1939-1945, Claire Andrieu, Tallandier, avril 2021, 512 p. 

Notes
  • 1. Directeur de recherche émérite au CNRS (Centre Européen de Sociologie et de Science Politique de la Sorbonne, unité CNRS/EHESS/Université Panthéon Sorbonne), Denis Peschanski préside également le Conseil scientifique et d’orientation (CSO) de la Mission Libération, qui prépare les commémorations des 80 ans du débarquement et de la Libération.
  • 2. Un peu plus de la moitié des Justes étaient des femmes d’après l'Institut international pour la mémoire de la Shoah.
  • 3. Cimade : littéralement « Comité inter-mouvements auprès des évacués », sigle venant de sa mission initiale auprès des « évacués » de l’Alsace-Lorraine fuyant l’avancée nazie.
  • 4. Voir Dimitri Manessis et Jean Vigreux. Avec tous tes frères étrangers. De la MOE aux FTP-MOI, Libertalia, février 2024.

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