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À travers différents projets mêlant plusieurs disciplines, ce blog vous invite à découvrir la recherche en train de se faire. Des scientifiques y racontent la genèse d’un projet en cours, leur manière d’y parvenir, leurs doutes… Ces recherches bénéficient du label « Science avec et pour la société » du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
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Quand les nanocristaux font Copin-Copin avec la détection infrarouge
04.01.2024, par Anaïs Culot
Mis à jour le 04.01.2024

Le projet Copin a mis au point des détecteurs reconfigurables à base de nanocristaux, un prélude essentiel au développement de futures caméras infrarouges innovantes. Cette percée scientifique, mêlant des expertises en optoélectronique et sur les nanoparticules, offre une alternative moins coûteuse et prometteuse aux technologies infrarouges existantes.

Si vous parvenez à lire cet article, c’est peut-être grâce à une technologie qui est au cœur du sujet qui va suivre : les nanocristaux. Ce sont des matériaux semi-conducteurs de taille nanométrique. Autrement dit, des particules plus petites que la plupart des virus biologiques et qui sont capables de conduire l’électricité de manière imparfaite. Lorsqu’on modifie leur taille, les nanocristaux ont l’incroyable capacité de changer de couleur. Cette propriété – au cœur du prix Nobel de chimie 2023 – leur a permis d’envahir nos écrans de télévision et d’ordinateur.
pilulier contenant une solution de nanocristaux © Timothé Paire / Copin / CNRS ImagesPilulier contenant une solution de nanocristaux de séléniure de cadmium (CdSe), éclairé par une lampe UV et tenu par Tung Huu Dang. © Timothé Paire / Copin / CNRS Images

Dans le cadre du projet ANR Copin, une équipe pluridisciplinaire de recherche a souhaité étendre ce concept d’émission de lumière visible, à la détection de lumière infrarouge. « Cette dernière est particulièrement difficile à détecter, car elle se compose de petits photons qui interagissent mal avec la matière », explique Angela Vasanelli, chercheuse au Laboratoire de physique de l'ENS1 et coordinatrice du projet. L’objectif final était de développer des détecteurs infrarouges moins chers, mais surtout qui offrent de nouvelles fonctionnalités difficiles à faire émerger à partir de semi-conducteurs traditionnels.

Détection de danse photonique en cours

À travers la thèse de Tung Huu Dang, le projet a créé un détecteur de A à Z. Le jeune chercheur a mis au point une approche novatrice combinant des architectures couramment utilisées en optoélectronique, des procédés de fabrication de la microélectronique et la synthèse chimique de nanocristaux. Les détecteurs se destinaient à deux plages optiques. En particulier, le proche infrarouge (de 1 et 2,5 µm) et le moyen infrarouge (entre 3 et 5 µm) qui sont les gammes de longueur d’onde les plus couramment utilisées dans des applications comme la vision nocturne en sécurité et la conduite assistée.

En pratique, les performances d’un détecteur découlent de sa capacité à absorber la lumière. Lorsque les photons arrivent sur lui, les charges électriques à l’intérieur du matériau du détecteur s’animent. Elles se déplacent et créent un courant électrique qui pulse au rythme de la lumière. Chaque mouvement des charges est une indication de l'intensité lumineuse incidente et apporte donc une information sur la scène à imager.

Tung Huu Dang manipulant un cryostat © Timothé Paire / Copin / CNRS ImagesTung Huu Dang manipulant un cryostat afin de caractériser un composant infrarouge © Timothé Paire / Copin / CNRS Images

Afin d’assurer de bonnes performances à leurs détecteurs, les chercheurs doivent donc contrôler les propriétés d’absorption de la lumière et de transport des charges électriques du matériau. Pour cela, ils ont couplé les nanocristaux à un résonateur optique, un dispositif chargé de piéger la lumière. Ainsi, cette dernière passe plusieurs fois à travers le film de nanocristaux jusqu’à être complètement absorbée. « Seuls, les nanocristaux absorbent environ 10 % de la lumière. Grâce au résonateur que nous avons mis au point, cette absorption représentait entre 60 à 80 % des rayons infrarouges reçus », décrit Emmanuel Lhuillier, chercheur en optoélectronique à l’Institut des nanosciences de Paris2.

Des atouts lumineux

Un des grands résultats du projet Copin est l’obtention de nouvelles propriétés inattendues. Les chercheurs sont parvenus à l’élaboration de composants reconfigurables. Autrement dit, des dispositifs dont l’intensité de l’absorption peut être changée et modulée de façon réversible, par exemple, en appliquant une tension. « Nous pouvons en quelque sorte allumer ou éteindre une partie de la photo-réponse. C’est un véritable changement de paradigme, car jusqu’à présent, il fallait modifier la géométrie d’un détecteur ou la taille des particules utilisées dans le but d’obtenir ce genre de capacité », précise Emmanuel Lhuillier.

Paradoxalement, cette qualité dérive d’une propriété des nanocristaux qui est habituellement considérée comme un défaut ! Cela est lié au fait qu’ils ne conduisent pas bien le courant électrique. Cet effet n’apparaît donc pas pour de bons matériaux conducteurs, tels que les métaux par exemple. « Au départ, nous avons observé un tout petit effet inattendu. Quand Tung a compris son origine, il a alors mis au point des structures permettant de contrôler, d’amplifier et de manipuler cet effet et ainsi aboutir à ce détecteur reconfigurable », résume Angela Vasanelli.

Capteur infrarouge à base de nanocristaux © Timothé Paire / Copin / CNRS ImagesCapteur infrarouge à base de nanocristaux contenant un résonateur optique © Timothé Paire / Copin / CNRS Images

Autre résultat prometteur : les électrodes résonnantes développées dans le cadre de Copin apportent une alternative au design de technologies classiques. En particulier, elles améliorent les systèmes présents dans les écrans de nos smartphones qui n’étaient pas adaptés aux domaines de l’infrarouge.

Faire pareil fois un million

Les développements du projet visaient à améliorer des composants uniques. À terme, l’idée est d’intégrer ces résultats dans une caméra infrarouge. Ce qui a été fait une fois ici, devra alors être réalisé entre 300 000 à 1 million de fois, comme autant de détecteurs nécessaires au bon fonctionnement de la caméra. De quoi poser de nouvelles contraintes de place ou encore de géométrie. Quels concepts pourront alors être transférés pour passer d’un détecteur à un imageur infrarouge ? La question offre, en tout cas, de belles perspectives à l’équipe du projet pour la suite.

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Ces recherches ont été financées en tout ou partie, par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) au titre du projet ANR-Copin-AAPG2019. Cette communication est réalisée et financée dans le cadre de l’appel à projets Science Avec et Pour la Société - Culture Scientifique Technique et Industrielle pour les projets JCJC et PRC des appels à projets génériques 2018-2019 (SAPS-CSTI JCJC et PRC AAPG 18/19).

Notes
  • 1. Unité CNRS/ENS-PSL/Sorbonne Université/Université Paris Cité
  • 2. Unité CNRS/Sorbonne Université

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