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À travers différents projets mêlant plusieurs disciplines, ce blog vous invite à découvrir la recherche en train de se faire. Des scientifiques y racontent la genèse d’un projet en cours, leur manière d’y parvenir, leurs doutes… Ces recherches bénéficient du label « Science avec et pour la société » du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
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Mieux comprendre la rage et Ebola pour lutter contre ces virus
21.09.2023, par Marc Fournet - CNRS Île-de-France Gif-sur-Yvette

Avec près de 60 000 morts chaque année dans le monde, le virus de la rage reste un vrai enjeu de santé publique. Des recherches menées à l’I2BC1 montrent que les mononegavirales (rage, Ebola, rougeole…) se répliquent dans des usines virales qui forment des gouttelettes à l’intérieur de nos cellules. À la clé, de nouvelles stratégies antivirales.

60 000 morts annuelles et 200 000 morts annuelles : c’est le fardeau de santé publique que représentent respectivement les virus de la rage et de la rougeole. Ils appartiennent tous deux au même type de virus, l’ordre des Mononegavirales, qui comprend également le virus Ebola. Les virus de ce type ont la même stratégie de multiplication à l’intérieur des cellules, qui passe par l’établissement d’une véritable usine à virus. Cette stratégie, ainsi que la réponse immunitaire de la cellule infectée, posent de nouvelles questions et font donc l’objet de nombreuses études.

Ces usines virales sont étudiées de près par Yves Gaudin et son équipe à l’Institut de biologie intégrative de la cellule1. Ces travaux permettront de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques contre ces virus. Ils bénéficient du soutien de l’Agence nationale de la recherche, dont l’objectif est de soutenir l’excellence de la recherche et l’innovation française sur le plan national, européen et international.

Les recherches menées par Yves Gaudin, directeur de recherche CNRS, et son équipe ont débuté par l’étude des usines virales dans le cadre de l’infection par le virus de la rage. Les scientifiques ont démontré que ces dernières formaient des gouttelettes à l’intérieur des cellules, de manière semblable à l’huile dans de l’eau. « Ces usines virales ont toutes les propriétés d’un liquide. Elles se déforment facilement lorsqu’elles sont soumises à une force, et elles fusionnent entre elles lorsqu’elles se rapprochent. C’était une petite révolution de montrer que les virus se multipliaient dans des compartiments au sein de la cellule sans être séparés par une membrane, et ce dans une phase liquide différente du reste de la cellule ! » s’enthousiasme le chercheur.

Présentes également dans les autres virus de l’ordre des Mononegavirales, ces usines virales sont de véritables compartiments de la cellule. En effet, à la manière de composés solubles dans l’eau, mais pas dans l’huile, certaines protéines vont pouvoir passer à l’intérieur des usines virales et s‘y concentrer, alors que d’autres n’en seront pas capables et en seront donc exclues.

Une échappatoire au système immunitaire des cellules

Après avoir caractérisé précisément ces usines virales, les scientifiques ont étudié leurs interactions avec le système immunitaire inné intégré aux cellules. Ce dernier permet aux cellules, de signaler à leurs voisines qu’elles sont infectées, en produisant de l’interféron qui stimulera la production de protéines antivirales généralistes chez ces cellules. Pour les Mononegavirales, c’est essentiellement la présence d’ARN double brin, signe spécifique d’une infection par un virus dont le génome est un ARN, qui va déclencher cette réponse.

Cependant, comme la multiplication du virus s’effectue dans ces usines virales, l’ARN double brin y est séquestré. Cela va inhiber l’induction de l’interféron, soit en empêchant les protéines en charge de reconnaitre cet ARN double brin d’entrer dans ces usines, soit en y séquestrant des protéines importantes pour la production d’interféron qui sont alors coupées de la voie de signalisation. In fine, cela empêchera la mise en place des défenses antivirales intégrées à la cellule. « C’est encore « récent » pour le monde scientifique, détaille Yves Gaudin, il y a peu de données sur ce genre de structure et nous continuons d’étudier exactement quelles protéines sont présentes dans ces usines ou impliquées dans leur formation, et quelles caractéristiques biochimiques et biophysiques elles ont. »

Ces avancées dans la compréhension du fonctionnement des Mononegavirales sont porteuses de perspectives thérapeutiques. « Si l’on comprend comment le virus fonctionne, on peut mieux s’en débarrasser ! souligne Yves Gaudin. Dans l’équipe on imagine déjà de nouvelles stratégies thérapeutiques : rendre les usines solides -stratégie ayant fait ses preuves contre le virus responsable de la bronchiolite du nourrisson-, ou bien les dissoudre, ou encore transformer des antiviraux pour qu’ils pénètrent spécifiquement les usines… »

Ces travaux de recherche promettent encore de déboucher sur de nouvelles connaissances et permettre, à terme, de développer des traitements antiviraux innovants.

1 I2BC – CEA/CNRS/Université Paris-Saclay/INRAE/Inserm à Gif-sur-Yvette
 

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