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À travers différents projets mêlant plusieurs disciplines, ce blog vous invite à découvrir la recherche en train de se faire. Des scientifiques y racontent la genèse d’un projet en cours, leur manière d’y parvenir, leurs doutes… Ces recherches bénéficient du label « Science avec et pour la société » du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
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Par le réseau de communicants du CNRS

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Les robots parallèles à câbles se rapprochent des applications industrielles
18.03.2024, par Martin Koppe
Mis à jour le 20.03.2024
Peu communs, les robots parallèles à câbles parviennent à manipuler de lourdes charges dans de grands espaces. Leur déploiement est cependant freiné par l’absence de normes de sécurité dédiées. Une équipe nantaise travaille à y remédier.

La cobotique est l’art et la science de faire collaborer robots et humains en toute sécurité. En évitant les collisions accidentelles, elle permet d’enlever les grilles et de réduire les zones interdites dans les usines et les laboratoires. La question est aisément abordée avec de petits robots aux mouvements limités, mais ce n’est pas ce qui intéresse Stéphane Caro.
Directeur de recherche CNRS au laboratoire des Sciences du Numérique de Nantes1 et membre de l’Institut de Recherche Technologique Jules Verne, Stéphane Caro dirige l’équipe Robots and machines for manufacturing, society and services (RoMas), spécialisée dans la robotique dédiée à la fabrication industrielle dans de grands espaces. Une tâche à laquelle excellent les robots parallèles à câbles (RPC). Les RPC présentent également une efficacité énergétique supérieure d’au moins 25 % à celle des robots classiques.

Des robots particuliers
« Le terme de robot parallèle appartient au jargon de la communauté, où l’on distingue deux principaux types d’architecture, précise Stéphane Caro. D’abord les robots sériels, dont les moteurs sont montés en série et dont la chaîne cinématique est ouverte : c’est-à-dire que leurs segments et leurs articulations forment une chaîne dont une des extrémités est libre. Ce sont les machines les plus répandues, avec par exemple les robots anthropomorphes ou les bras articulés. À l’inverse, un robot parallèle est composé de plusieurs chaînes cinématiques fermées. »
Les RPC sont ainsi constitués d’une plateforme mobile, commandée en translation et en rotation par un système de câbles mobiles, accrochés à un cadre souvent fixe. Ces derniers actionnent les mouvements en tirant, mais ne peuvent pas pousser. Ce principe permet de transporter dans de grands volumes des pièces pouvant être particulièrement lourdes et encombrantes. « Le robot les manipule à la manière d’une marionnette, explique Stéphane Caro. L’exemple le plus connu se retrouve dans les stades, où certaines caméras circulent librement au-dessus du terrain grâce à des câbles. »
Manpulation d'un robot à câbles. Photo Manipulation d’un robot à câbles. Photo Stéphane Caro / LS2N

Entre sécurité et cohabitation
Mais de la même manière que ces engins sont placés loin en hauteur afin qu’ils ne puissent jamais percuter les joueurs, les opérateurs humains ne peuvent pas pénétrer dans le volume d’action d’un RPC. Cela freine le déploiement industriel de ces appareils pourtant si prometteurs, car ils demandent de sacrifier de grands espaces où les gens ne peuvent plus aller. Il n’existe d’ailleurs pas de normes reconnues pour les RPC, et donc aucune réglementation permettant leur utilisation en cobotique.
En partenariat avec l’INRIA Sophia-Antipolis, avec le spécialiste des robots parallèles Jean-Pierre Merlet, et le Centre technique des industries mécaniques (CETIM) où travaille l’expert en cobotique Sylvain Acoulon, Stéphane Caro et ses collègues du LS2N ont décidé de proposer les premières normes industrielles pour les robots parallèles à câbles. Ils souhaitent également créer une interface homme-machine dédiée aux RPC, puis pousser la précision de ces robots.

Aider la machine à comprendre son environnement
« Nous avons conçu des modèles mécaniques particulièrement fins pour prédire le comportement cinématique, dynamique et élastodynamique des RPC, poursuit Stéphane Caro. Le fléchissement des câbles et les mouvements de la plateforme compliquent ces prédictions, qui doivent atteindre une précision suffisante pour une utilisation sûre en présence d’humains. »

Les partenaires du projet ANR CRAFT, en collaboration avec le Centre de Recherche en Sciences et Technologie de l'Information et de la Communication (CReSTIC)2 ont développé des capteurs proprioceptifs, c’est-à-dire qui fournissent la position des différents éléments du robot. La machine est alors capable de percevoir au sein de son environnement de travail, même lorsqu’il est complexe et changeant, et de détecter à l’avance les risques de collision. Des lois de commande basée sur ces capteurs ont ainsi été proposées.
Ces principes et modèles ont ensuite été testés en laboratoire, pour vérifier l’endurance des robots, afin de savoir à quelle vitesse ils s’usent et à quel point cela impacte leur précision dans le temps. Les câbles utilisés dans les RPC ont en effet été bien moins étudiés que les composants et les matériaux des robots classiques, bien plus répandus. Une meilleure connaissance de leurs propriétés est essentielle pour améliorer la sécurité.

Du laboratoire à la galerie
Plus surprenant, un des robots a été employé dans une œuvre de l’artiste Anne-Valérie Gasc, intitulée Les Larmes du prince — Vitrifications, où il a fonctionné pendant quatre mois, à raison de 4h15 par jour, 6 jours sur 7, sous le contrôle de deux étudiants en art dans une pièce de 11 m par 7 m pour déposer soixante-seize couches de poudre de verre, représentant un poids total d’une tonne et demie. « Grâce à ces différents travaux, nous avons ouvert une première norme, mais elle n’est pas encore finalisée », précise Stéphane Caro.

Vitrifications d’Anne-Valérie Gasc. Photo Benoit Fourrier/INRIA
Œuvre Vitrifications d’Anne-Valérie Gasc, installée à l’occasion de son exposition personnelle « Machines aveugles » à l’Espace de l’art concret (EAC), Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes), en 2022. Photo Benoit Fourrier/INRIA

Ces résultats sont également utilisés dans d’autres projets, auxquels participe Stéphane Caro. L'Infrastructure technologique pour la recherche d’excellence en robotique TIRREX vise à développer six grandes plateformes robotiques nationales, dont une à Nantes dédiée à la robotique XXL. Elle est notamment pensée pour répondre aux besoins des industries manufacturières et du monde du BTP. Stéphane Caro a aussi rejoint un projet de l’ADEME sur la rénovation énergétique de bâtiments par l’extérieur, une tâche où les RPC pourraient être fort utiles. Les robots parallèles à câbles ne sont ainsi plus qu’à quelques encablures de déployer leur plein potentiel dans les usines et les laboratoires.

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Ces recherches ont été financées en tout ou partie par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) au titre du projet ANR-CRAFT (Robots parallèles à câbles pour des opérations industrielles agiles). Cette communication est réalisée et financée dans le cadre de l’appel à projets Sciences Avec et Pour la Société — Culture Scientifique Technique et Industrielle.

Notes
  • 1. unité CNRS / École Centrale de Nantes / Nantes Université
  • 2. unité de recherche de l'Université de Reims Champagne-Ardenne

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