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Le grillon des bois a de bons poils

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Com : Le grillon des bois vit dans la litière de nos forêts. Un animal de quelques millimètres de long, qui se déplace en marchant ou en sautant. À son échelle, les herbes, les feuilles et branches mortes du couvert forestier forment un univers en trois dimensions extrêmement complexe. Chaque bond du grillon - quelques centimètres - le transporte dans un nouveau monde où il lui faut décrypter au plus vite les informations environnantes.

 

Com : Le grillon des bois est souvent chassé par l'araignée Pardosa Lugubris qui l'attaque par surprise en courant sur le sol.

 

Com : On a découvert que le grillon peut percevoir l'infime souffle d'air poussé par l'araignée lors de l'attaque. Cette sensibilité lui sauve parfois la vie et intrigue les chercheurs.

 

 

 

Com : Le grillon des bois possède à l'arrière de l'abdomen deux appendices longilignes que l'on appelle des cerques. Ces appendices sont couverts de poils sensoriels. On y trouve des senseurs chimiques, de gravité... et un grand nombre de poils sensibles aux mouvements de l'air.

 

Com : Ces poils ont environ 100 à 1000 microns de longueurs. Chacun d'eux est monté sur pivot et bascule dans une direction préférentielle. Dès qu'un souffle d'air arrive sur le grillon, ces poils pivotent et vont activer chacun une terminaison nerveuse.

 

Com : La réaction est très rapide car l’influx nerveux est traité localement, dans des ganglions reliés aux pattes sauteuses. En quelque sorte, l'animal saute sans savoir qu'il saute.

Mais à quelle information réagissent ces poils?

 

 

 

Com : Le grillon ne saute pas à chaque fois qu'une brise souffle dans la forêt. Sa vie serait impossible. Le flux d'air poussé par l'araignée qui attaque a une forme bien spécifique que le grillon sait reconnaître.

Pour visualiser ce flux d'air, une araignée est placée dans une petite chambre transparente remplie de particules de fumée éclairée au laser et filmée en ralenti.

 

Com : L'araignée court à des vitesses comprises entre 5 et 50 centimètres par seconde et propage une onde devant elle. Pour comprendre la forme de cette onde, il faut tenir compte de la morphologie générale de l'animal : la taille de son corps, sa hauteur par rapport au sol, sa vitesse, et également le mouvement des pattes pendant la course.

 

Com : Le corps de l'araignée peut être représenté sous la forme d'un rond précédé par un autre rond plus petit figurant une patte avant. Lorsque l'araignée court, le déplacement de son corps se fait à une vitesse pratiquement constante.

 

Com : En revanche les pattes ont un déplacement haché : Chaque patte passe d'une vitesse nulle lorsqu'elle est posée, à une vitesse rapide dès qu'elle se soulève, en fait elle se déplace deux fois plus vite que le corps.

 

Com : On peut en déduire que pendant l'attaque, le corps de l'araignée envoie sur le grillon une fréquence basse, qui va augmenter à mesure que les protagonistes vont se rapprocher.

De leur côté, les pattes de l'animal créent des poches de haute vitesse et ajoutent au flux d'air des ondes haute fréquence, qui sont petites, mais dont l'action est significative.

 

Com : Bien malgré elle, l'araignée envoie donc un signal très particulier. Cet infime souffle d'air qui ne ressemble à rien d'autre dans la vie du grillon est en quelque sorte la signature du prédateur.

 

 

 

Com : La modélisation de l'onde poussée par l'araignée a permis de construire un piston qui la reproduit à l'identique et à volonté. Une araignée mécanique en quelque sorte, très pratique pour étudier la manière dont les poils du grillon réagissent lors de l'attaque.

 

Com : Un grillon endormi est placé dans une chambre laser. À mesure que le piston se rapproche, on se rend compte que les poils n'ont pas le même temps de réaction et qu'ils se mobilisent les uns après les autres.

Les poils les plus longs, sensibles aux fréquences les plus basses, réagissent en premier. Puis les poils de plus en plus petits sont sollicités, sensibles à des fréquences de plus en plus hautes.

 

Com : Le recrutement successif des poils est le signal pour le grillon que l'onde se rapproche à grande vitesse. Le réseau de poils traduirait alors les différentes fréquences reçues en une série complexe d'impulsions nerveuses qui déclenche la fuite... et sauve la vie du grillon.

 

 

 

Com : Des millions d'années de co-évolution ont créé comme un canal de transmission entre un prédateur et sa proie. Si l'araignée court si vite, c'est parce que le grillon sait bien l'entendre... et vice-versa.

 

Com : Une course sélective qui a fait du poil du grillon sans doute le système de détection de mouvement de l'air le plus sensible dans le règne animal.

 

Le grillon des bois a de bons poils

07.01.2014

Le grillon des bois possède à l’arrière de l’abdomen un grand nombre de poils sensoriels, dont certains sont sensibles aux mouvements de l’air. Ces poils lui servent à percevoir et à reconnaître l’infime souffle d'air poussé par son prédateur habituel, l’araignée Pardosa lugubris, qui l’attaque en courant sur la litière. La sensibilité de ces poils serait sans égal dans le monde animal...

À propos de cette vidéo
Titre original :
Grillon des bois, propagation d'ondes dans l'air
Année de production :
2013
Durée :
6 min 45
Réalisateur :
Claude-Julie Parisot
Producteur :
CNRS Images
Intervenant(s) :

Jérôme Casas, Ecologue, Ecologie Physique et Relations Multitrophiques - Institut de Recherche sur la Biologie de l'Insecte (IRBI - CNRS / Université François-Rabelais de Tours)

Thomas Steinmann, Métrologue, Ecologie Physique et Relations Multitrophiques - Institut de Recherche sur la Biologie de l'Insecte (IRBI - CNRS / Université François-Rabelais de Tours)

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