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Alors que l’Unesco vient de lancer la Décennie pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030), découvrez sur ce blog un aperçu de la diversité des recherches menées au CNRS sur l’océan.
 

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Ce blog collaboratif rassemble des contributions issues des 10 instituts thématiques du CNRS.

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Milieux marins : comment transformer les engagements en actions ?
08.12.2022, par Floriane Vidal, responsable communication INEE
Mis à jour le 12.12.2022
Comme l’a montré le pavillon dédié à l’océan lors de la COP27 en novembre, les gouvernements s’engagent de plus en plus en faveur de la protection des écosystèmes marins. Mais qu’en est-il en termes d’actions concrètes ? Une équipe de scientifiques a conçu une méthodologie permettant d’identifier les barrières à la mise en place d’aires marines protégées (AMP) et les leviers pour les contrer.
 

Le 15 septembre 2022, la Commission européenne décidait de fermer plus de 16 000 km² des eaux communautaires de l’Atlantique Nord-Est au chalutage en eau profonde 1. Cette mesure est complémentaire d’initiatives nationales : ces dernières années, la France s’est plusieurs fois engagée en faveur de la biodiversité marine en promettant de protéger 30 % de son territoire océanique par des AMP d’ici à 2022. Si l’objectif a été atteint, les scientifiques rappellent qu’il est fondamental de prendre en compte le niveau de protection de ces aires : seul 1,6 % de l’espace maritime français bénéficie d’une protection haute, voire intégrale (sans aucune activité humaine dans cette aire), contre un objectif initial de 10 % 2.
Carte détaillée des aires marines protégées
Carte détaillée des aires marines protégées, janvier 2017.

La mise en place d’aires marines protégées vise principalement à préserver la biodiversité marine, mais pas seulement : « nous avons montré récemment que les AMP contribuent à l'adaptation et à l'atténuation des effets du changement climatique 3 », souligne Joachim Claudet, chercheur CNRS au Criobe 4 . Le défi actuel est donc de transformer les engagements en actions, et dans le cas des AMP, de favoriser la mise en place d’aires qui soient le mieux protégées possible. Pour cela, des scientifiques se sont penchés sur la conception d’une méthodologie5 permettant d’accompagner les différents acteurs lors de projets d’AMP, en se basant sur les freins et leviers qui se présentent.

Une diversité d’acteurs…et donc d’enjeux

L’équipe scientifique a ainsi proposé une méthodologie en trois étapes : recenser les barrières et leviers vis-à-vis des AMP connus dans la littérature scientifique, interroger les acteurs sur leurs perceptions, puis proposer un plan d’action adapté à la situation. « Nous avons pu constater dans le cadre de notre étude menée en France que de grandes lignes se dégagent : les différents acteurs n’ont pas les mêmes enjeux, ne partagent pas la même vision des AMP, et ne prennent pas de décisions sur les mêmes échelles de temps », explique Marieke Schultz, qui termine tout juste ses études en conservation de la biodiversité marine et géomatique et qui a contribué à ces travaux.

Relevé des signatures sonores d’un récif corallien dans le lagon de Moorea, en Polynésie française. Durant quatre mois, des scientifiques ont suivi l'activité sonore des récifs sur la pente externe de l'île, à l'aide d'hydrophones répartis dans des aires marines protégées (AMP) et des zones non protégées © Yannick CHANCERELLE / CRIOBE / CNRS Photothèque

Relevé des signatures sonores d’un récif corallien dans le lagon de Moorea, en Polynésie française. Durant quatre mois, des scientifiques ont suivi l'activité sonore des récifs sur la pente externe de l'île, à l'aide d'hydrophones répartis dans des aires marines protégées (AMP) et des zones non protégées.
© Yannick CHANCERELLE / CRIOBE / CNRS Photothèque

L’une des difficultés à la mise en place des aires marines protégées est en effet le nombre d’acteurs qu’elles concernent : élus locaux, associations, pêcheurs, professionnels du tourisme, scientifiques, gestionnaires d’AMP, gouvernement… Ce qui fait tout autant d’intérêts différents, et parfois contradictoires, à défendre dans le cadre de tels projets. « Ce que cette enquête nous a appris de la situation en France, c’est que le principal frein pour instaurer des AMP de protection forte n’est pas tellement une question de ressources (financières, matérielles, humaines) ou de gouvernance, mais plutôt de divergence de systèmes de valeurs », résume Marieke Schultz. L’enjeu est donc double : d’un côté, communiquer davantage sur ce que sont les AMP et leurs avantages, pour que tous les acteurs aient le même degré de connaissances, et de l’autre, créer des espaces d’échanges constructifs et durables au cours desquels les acteurs partagent leurs visions des AMP et les objectifs visés à travers ces dispositifs.

La science : alliée nécessaire au développement des aires marines protégées

L’équipe qui a mis au point cette méthodologie ne compte pas s’arrêter à ces constats : « notre but est de proposer un protocole applicable par tous les scientifiques du monde entier pour explorer les barrières existantes selon les niveaux de protection des AMP », explique Marieke Schultz. Pour accompagner les différents acteurs dans ces projets, les scientifiques ont ainsi un rôle central d’aide à la décision, comme le rappelle Joachim Claudet, qui a supervisé ces travaux : « D’une part parce que nous pouvons montrer l’efficacité de ces AMP par des suivis de long terme, telle que celle qui existe à Banuyls depuis les années 1970, mais aussi pour produire des outils, comme la méthodologie de notre étude, qui aident à choisir et à créer ces aires protégées. »

Et cette méthodologie a également pour intérêt de pouvoir générer des boucles positives : en levant petit à petit les freins à la mise en place des AMP, de nouvelles pourront être créées, et d’anciennes pourront être renforcées. « Cette méthodologie a été conçue pour être utilisée par le plus grand nombre, explique Marieke Schultz. Les AMP ne sont pas les seules mesures possibles pour préserver l’océan face aux menaces qui le touchent aujourd’hui, entre pollution, augmentation des températures et de l’acidification de l’eau, surpêche… mais elles restent les plus utilisées, et un outil internationalement connu. »

Poissons côtiers en mer Méditerranée, sur le site de plongée le "sec du pellu", dans la réserve naturelle des bouches de Bonifacio, en Corse du Sud © Camille ALBOUY/CNRS Photothèque

Poissons côtiers en mer Méditerranée, sur le site de plongée le "Sec du Pelu", dans la réserve naturelle des bouches de Bonifacio, en Corse du Sud. 
© Camille ALBOUY/CNRS Photothèque

Les prochaines étapes ? Interroger différents groupes d’acteurs, à différentes échelles géographiques, pour confronter les résultats et avoir une vue plus globale des blocages existants. Un suivi des différentes AMP et de leurs impacts sur les socio-écosystèmes permettra également de comprendre comment elles peuvent avoir un rôle central dans les divers enjeux sociaux, économiques et environnementaux auxquels nous faisons face.

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Notes

[1] Fisheries: End to bottom fishing on protected deep-sea ecosystems in EU waters : https://oceans-and-fisheries.ec.europa.eu/news/fisheries-end-bottom-fishing-protected-deep-sea-ecosystems-eu-waters-2022-09-15_en
[2] France : des aires marines… pas encore suffisamment protégées : https://www.cnrs.fr/fr/france-des-aires-marines-pas-encore-suffisamment-protegees
[3 Les aires marines protégées luttent contre les effets du changement climatique : https://www.cnrs.fr/fr/les-aires-marines-protegees-luttent-contre-les-effets-du-changement-climatique
[4] Centre de recherche insulaire et observatoire de l'environnement (CRIOBE – CNRS / EPHE / UPVD).
[5] A framework to identify barriers and levers to increase the levels of protection of marine protected areas. Marieke Schultz et al. One Earth.

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