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Alors que l’Unesco vient de lancer la Décennie pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030), découvrez sur ce blog un aperçu de la diversité des recherches menées au CNRS sur l’océan.
 

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Ce blog collaboratif rassemble des contributions issues des 10 instituts thématiques du CNRS.

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La surveillance des oiseaux marins : de nouveaux enjeux sanitaires
31.01.2022
Avec l’accroissement de l’activité humaine le long des littoraux, la surveillance des colonies d’oiseaux marins est devenue un enjeu sanitaire d’importance, ces derniers étant en effet de parfaits réservoirs et vecteurs potentiels d’agents pathogènes. C’est dans cet objectif que s’ancrent de nouveaux projets de recherche du CNRS, dont les résultats amélioreront nos connaissances générales sur les populations d’oiseaux marins, la dispersion des agents infectieux et l’impact de la pollution humaine.

Les oiseaux marins peuvent porter une diversité de parasites/pathogènes, dont certains particulièrement préoccupants pour la santé publique. Il est donc essentiel de comprendre les mécanismes régissant la santé, la survie et les mouvements de ces oiseaux si nous voulons établir des programmes de conservation efficaces et évaluer de manière fiable les risques d'émergence de maladies.
Depuis plusieurs décennies, les populations d’oiseaux sont de plus en plus touchées par différents facteurs de stress (polluants, destruction de l'habitat, modification de la disponibilité de la nourriture) augmentant avec les activités humaines et les changements globaux qui y sont associés. Ces bouleversements peuvent affecter leur santé, avec des impacts sur leur reproduction et leurs déplacements. Les oiseaux marins qui vivent en étroite association avec les humains - comme les grands goélands - sont particulièrement concernés par ces types d'interactions.
Jeunes poussins de goéland dans leur nid avec des déchets (P. Landemann 2019)
Jeunes poussins de goéland dans leur nid avec des déchets (P. Landemann 2019)
 

Le grand goéland : un réservoir d’agents pathogènes peu connu

Les grands goélands, tels que le goéland leucophée (Larus michahellis), se sont facilement adaptés à la présence humaine et se nourrissent désormais en grande partie de déchets. En raison de la présence humaine croissante, ces oiseaux semblent s’installer de plus en plus dans les villes où les sources de nourriture sont abondantes et où ils sont plus difficiles à suivre et à contrôler.
Ces goélands sont fortement exposés à différents types de polluants (plastiques, métaux, antibiotiques, etc.), tant au niveau de leur alimentation, que directement dans leurs milieux de reproduction, qui peuvent inclure des friches industrielles. Aujourd’hui nous connaissons peu l’impact des différentes sources de stress sur l'écologie et le comportement de reproduction de ces grands goélands communs. Bien qu'ils soient omniprésents sur les côtes méditerranéennes, nous savons également très peu de choses sur l'étendue spatiale de leurs mouvements, tant au cours d'une année qu'au cours de leur vie. Il est essentiel de comprendre ces mouvements, car ces goélands peuvent être porteurs de divers agents pathogènes humains (virus de la grippe, toxoplasmose, entérobactéries résistantes aux antibiotiques, etc.), ainsi que d'une diversité d'agents infectieux de pathogénicité inconnue. Enfin, leurs colonies abritent aussi fréquemment des ectoparasites, véhicule d’agents infectieux, comme les tiques, qui peuvent piquer l'homme si les nids sont proches des habitations. (photo tique)
Le goéland leucophée est aujourd’hui utilisé comme modèle d’étude pour mieux comprendre l'impact de différents facteurs de stress environnementaux sur le succès reproducteur et le comportement des oiseaux marins. Ce travail combine diverses approches, notamment l'échantillonnage sur le terrain, le suivi des populations naturelles, des analyses éco-toxicologiques et chimiques ainsi que de la biologie moléculaire dans le but d’identifier et de tracer les différents polluants et de suivre le mouvement des oiseaux et des pathogènes véhiculés.
Ces travaux sont réalisés à différentes échelles spatiales, depuis le niveau de la colonie jusqu'à l'échelle de la Méditerranée occidentale, et au-delà. Les interactions entre les spécialistes de divers domaines de recherche et les gestionnaires de la faune sauvage constituent un élément clé pour rendre ce programme de recherche réalisable et pertinent.

Les goélands qui se nourrissent dans une décharge à ciel ouvert (P. Landemann 2019)Les goélands qui se nourrissent dans une décharge à ciel ouvert (P. Landemann 2019)

Deux projets de recherche pour étudier et surveiller

Cette recherche est menée via deux projets en cours. Le premier est le projet MITI CIPPE[1] qui se concentre sur l'interaction entre l'exposition aux polluants plastiques et les parasites pour la santé des oiseaux en Camargue. Le second est le projet ANR EcoDIS[2] qui aborde cette interaction à l'échelle de la Méditerranée occidentale, et intègre des polluants de différentes natures ainsi que des techniques modernes de bio-logging. Il s’agit d’une technique consistant à fixer sur un animal un dispositif électronique qui va enregistrer dans sa mémoire différents paramètres en fonction du temps afin que les scientifiques puissent reconstituer l’activité de l’animal, les caractéristiques du milieu dans lequel il se trouve et les interactions entre les deux.
Ces projets s’accompagnent de programmes de baguage, où des oiseaux marqués individuellement peuvent être identifiés à distance à différents endroits et au fil du temps. Toutes ces données sont ensuite centralisées et analysées à l'aide de modèles statistiques qui nous permettent d'estimer les probabilités de survie des oiseaux de différentes colonies à différents stades de leur vie, ainsi que la probabilité que ces oiseaux se déplacent vers différentes zones géographiques.
Les résultats de ce programme de recherche nous fourniront des informations générales qui peuvent contribuer directement à notre connaissance de l'état actuel de l'écosystème méditerranéen : la distribution des polluants dans la région (et leurs sources potentielles), la diversité et la distribution des parasites et des pathogènes associés aux goélands, et en particulier ceux qui peuvent représenter un problème en termes de santé publique, et des informations plus détaillées sur l'écologie d'une espèce de vertébré méditerranéenne commune et abondante. En effet, bien que nous voyions cette espèce régulièrement, nous manquons d'informations clés sur son écologie pour modéliser sa dynamique de population. Avec ces informations en main, les gestionnaires et les acteurs locaux pourront prendre des décisions plus appropriées concernant cette espèce sauvage vivant à l’interface entre écosystèmes naturels et anthropiques.

Les tiques Ornithodoros maritimus qui vivent autour les nids des goélands et qui se nourissent des goélands pendant la reproduction (P. Landemann 2019)
Les tiques Ornithodoros maritimus qui vivent autour les nids des goélands et qui se nourissent des goélands pendant la reproduction (P. Landemann 2019)
 

[1] Combined Impact of Plastics and Parasites on seabird population dynamics and disease Emergence
 

[2] Disease ecology in a modified world: Linking combined environmental stressors, population dynamics and movement ecology to understand the circulation of infectious agents
 

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