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Alors que l’Unesco vient de lancer la Décennie pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030), découvrez sur ce blog un aperçu de la diversité des recherches menées au CNRS sur l’océan.
 

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Ce blog collaboratif rassemble des contributions issues des 10 instituts thématiques du CNRS.

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Comment naissent les océans ?
20.09.2021, par Christel Tiberi, Géosciences Montpellier
Les océans n’ont pas toujours eu les limites et les dimensions qu’ils ont actuellement. Leur forme, leur extension se modifient au fil des temps géologiques. Il se trouve même des endroits sur Terre où se prépare la naissance de futurs océans. Alors, ça naît où et comment un océan ? Les géosciences nous aident à mieux comprendre les mécanismes derrière ce phénomène.

Comprendre la formation des océans : un défi majeur

Si les océans que nous observons actuellement à la surface de la Terre font plusieurs milliers de kilomètres de large (~6000 pour l’Océan Atlantique), leur histoire débute par des fractures et des bassins beaucoup plus réduits spatialement. La phase initiale précédant la création d’un océan est appelé rifting, ou rupture continentale, car un océan naît bel et bien sur un continent. Comprendre la formation des océans reste un défi majeur pour plusieurs raisons et qui concernent plusieurs domaines scientifiques : d’un point de vue fondamental, cela nous permet d’aborder les mécanismes d’apparition de nouvelles plaques tectoniques. Mais le rifting contrôle aussi la création de bassins et donc l’emplacement de ressources utiles à l’Homme de tous temps (eau, minerais, énergies fossiles, géothermie). Les failles associées au rifting sont autant de barrières topographiques impactant la dynamique des populations. Enfin, les aléas sismique et volcanique qui l’accompagnent génèrent des risques que les populations locales doivent gérer.
 
La plupart des océans actuels sont trop matures pour permettre un accès aisé et direct à cette phase initiale de formation. Les indices qui nous permettraient de comprendre comment et pourquoi ces océans se sont formés ici, et pas ailleurs, résident bien souvent sous plusieurs kilomètres d’eau et de couches sédimentaires ! Les processus thermiques et dynamiques associés à leur création peuvent eux aussi avoir disparus depuis bien longtemps. Il faut donc aller chercher les réponses à nos questions dans les zones de rifts actifs, accessibles sur les continents actuels. Pour autant, tous les rifts ne vont pas aboutir à la création d’un nouvel océan.

Une zone unique en son genre

Le rift Est Africain est à ce titre unique en son genre. De l’Afar au Golfe du Mozambique, il offre sur près de 4000 km un éventail unique des différents stades d’évolution de la rupture continentale depuis 25 Ma ! Alors que la rupture est à peine amorcée dans sa partie sud (depuis 1 à 5 Ma, au Malawi, Mozambique, Tanzanie), elle a atteint un stade très avancé en Afar, où la nature de la croûte terrestre a même commencé à être modifiée. Cette zone si particulière regroupe trois branches distinctes où de nombreuses dépressions (bassins), failles, et volcans actifs attestent des phénomènes dynamiques internes qui sont à l’œuvre pour rompre la croûte terrestre.
 
La combinaison de plusieurs disciplines en géosciences sur plusieurs décennies a permis tout d’abord de quantifier la vitesse à laquelle le rift s’ouvre, et d’identifier les acteurs impliqués. L’ouverture s’effectue à ~7 mm/an en moyenne dans le Rift Est Africain, loin des 3 cm/an de l’Atlantique !  C’est que la lithosphère africaine n’est pas simple à casser… Pour donner naissance à un océan, la croûte continentale africaine, épaisse d’environ 30 à 40 km doit se rompre et s’amincir fortement (épaisseur moyenne de la croûte océanique : 10 km). Pour cela, plusieurs facteurs et processus interviennent. Tout d’abord, sous l’est de l’Afrique, le manteau terrestre s’avère anormalement chaud, et modifie les caractéristiques physiques du matériel terrestre (température, densité, aptitude à casser, se déformer, ou fluer…) dans cette zone. Cela favorise la rupture de la couche supérieure de la Terre, la lithosphère. Si les analyses géochimiques, pétrophysiques, les images tomographiques indiquent bien un manteau anormal sous le rift est africain, l’existence d’un ou de plusieurs panaches le long des 4000 km du rift, leur origine précise (manteau inférieur ou manteau supérieur) restent des questions très débattues dans la communauté scientifique.

Cette hausse de température va pouvoir faire fondre certains constituants des roches présentes dès ~150 km de profondeur, et générer du magmatisme dans la région. De nombreux volcans sont les témoins de cette activité magmatique : Le légendaire Kilimanjaro en Tanzanie, le Erta Ale en Ethiopie, ou encore le Nyiragongo en République Démocratique du Congo qui vient de connaitre une éruption. Mais ces volcans ne sont que la partie visible de l’activité magmatique et dynamique du rift Est Africain. On pense que les intrusions magmatiques qui n’atteignent pas la surface affaiblissent suffisamment les 100 premiers kilomètres pour que la croûte Africaine s’amincisse et s’étende.
 
L’extension d’un panache profond dépasse largement les limites du rift et sa localisation en surface. Alors pourquoi la rupture s’effectue-t-elle dans des vallées bien définies et pourquoi le rift Est Africain présente-t-il une forme si caractéristique (trois branches en médaillon) ? Cela provient en partie de la grande hétérogénéité de composition de la lithosphère. La présence de noyaux anciens (~2 Ga) beaucoup plus rigides, les cratons, a obligé le rift à dévier de sa course initiale (la branche éthiopienne) pour les contourner et former les branches est et ouest. L’histoire tectonique et les différentes unités géologiques jouent un rôle prépondérant dans la localisation de la rupture de surface. 

Des interactions complexes

Force est de constater que la rupture d’un continent et la naissance d’un nouvel océan requièrent de nombreux facteurs et de complexes interactions entre processus internes, externes et structures lithosphériques. Afin de mieux étudier ce site exceptionnel, les moyens et les collaborations se concentrent pour continuer à imager, forer, extraire les différentes informations dont nous avons besoin pour faire le lien entre rift et océanisation. La chimie, la physique, la géologie, se côtoient et interagissent de l’échelle du cristal à celle des failles et des bassins. Mais récemment, des communautés plus larges (paléontologie, écologie, sciences sociales, géographie, … ) se sont fédérées pour étudier cet objet rift de façon systémique, afin de bénéficier de leurs regards croisés sur un géo-bio-éco-socio-système complexe qui évolue en permanence selon de multiples facteurs.

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