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Construire un terrain de partage et de discussion autour des secrets de l’organe le plus complexe et mystérieux du vivant : tel est le but de ce blog dédié au cerveau. Des chercheurs en neurosciences y décryptent les avancées les plus importantes et prodigieuses, et vous emmènent à la découverte du système nerveux, de ses fonctions et de ses mystères. Lire ici l'éditorial du blog.
  
Contact : Giuseppe Gangarossa, giuseppe.gangarossa@univ-paris-diderot.fr
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Maître de conférences à l’université Paris Diderot et membre de l'Unité de biologie fonctionnelle et adaptative, Giuseppe Gangarossa anime ce blog qui fédère des spécialistes de tous les horizons des neurosciences.

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Maladie d’Alzheimer : vers une approche thérapeutique non invasive ?
03.01.2017, par Antoine Besnard, post-doctorant au Massachusetts General Hospital de Boston
Pourra-t-on traiter un jour la maladie d'Alzheimer avec... de la lumière ? Le point sur cette piste de recherche dans ce nouveau billet du blog «Aux frontières du cerveau».

La maladie d’Alzheimer représente un enjeu majeur pour notre société. Les traitements actuels ne permettent que de retarder l’aggravation des symptômes (avec une efficacité variable), mais pas de les soigner ni de les prévenir. Les chiffres sont pourtant alarmants, 45 millions de patients sont diagnostiqués à travers le monde, dont 850 000 en France. Le coût direct associé à la prise en charge de la maladie d’Alzheimer excède les maladies cardiovasculaires et le cancer.
 
Mais qu’est-ce que la maladie d’Alzheimer ? Les causes de la maladie font l’objet d’intenses recherches et suscitent de nombreux débats dans la communauté scientifique. Le cerveau encode des informations en synchronisant l’activité de populations de neurones, comme un chef d’orchestre guide ses musiciens. Si le chef d’orchestre cesse soudainement de travailler, la musique devient inaudible. En ce qui concerne les dysfonctionnements observés dans la maladie d’Alzheimer, de récentes études suggèrent que la perturbation de l’activité synchrone des neurones pourrait précéder les troubles de la mémoire. Plus précisément, l’accumulation de protéines bêta-amyloïde pourrait jouer un rôle dans l’altération de l’activité synchrone des neurones appelée rythme gamma. Ce rythme est important puisqu’il est induit par des informations sensorielles dans des régions du cerveau impliquées dans l’apprentissage et la mémorisation.


L’hippocampe est une région importante pour l’apprentissage et la mémorisation (hippocampe de souris). © Antoine Besnard
 
Dans une récente étude, l’équipe de la Pr Li-Huei Tsai située au Massachusetts Institute of Technology (MIT) à Boston s’est intéressée aux rythmes gamma dans la maladie d’Alzheimer. Les auteurs ont ainsi tenté de répondre aux deux questions suivantes : comment l’accumulation de la protéine bêta-amyloïde altère-t-elle les oscillations gamma et à l’inverse, est-ce que les rythmes gamma anormaux contribuent à la progression de la pathologie?


L’activité synchrone d’ensembles de neurones se produit à différentes fréquences, © Antoine Besnard

Les auteurs de cette étude ont utilisé les souris transgéniques 5XFAD qui reproduisent certains dysfonctionnements neuronaux observés dans la maladie d’Alzheimer. Ces souris présentent des mutations génétiques qui favorisent l’accumulation précoce de la protéine bêta-amyloïde qui à ce stade ne s’accompagne pas de troubles de la mémoire. Analysées à un stade plus tardif, ces souris présentent des agrégats de bêta-amyloïde appelés plaques amyloïdes, qui s’accompagnent de troubles de la mémoire tels qu’observés chez les patients humains à un stade avancé de la maladie.
 
Dans un premier temps, les auteurs ont montré que chez les souris 5XFAD jeunes, le rythme gamma (à la fréquence de 40 Hz) est diminué dans l’hippocampe, une région importante pour l’apprentissage et la mémorisation.  Afin de déterminer la relation de cause à effet entre les oscillations gamma et la production de béta-amyloïde dans le cerveau, les auteurs ont utilisés une approche optogénétique afin de restaurer le rythme gamma dans l’hippocampe des souris 5XFAD. L’optogénétique est une technique qui combine l’utilisation de la lumière avec l’expression de protéines photosensibles à la surface des cellules qui permettent de contrôler l’activité des neurones. Chez la souris 5XFAD jeunes, cette approche optogénétique permet de diminuer de moitié la quantité de béta-amyloïde. 


L’optogénétique est une technique qui combine l’utilisation de la lumière avec l’expression de protéines sensibles à la lumière afin de contrôler l’activité des neurones, © Antoine Besnard

Ensuite, les auteurs ont cherché à comprendre le lien entre cette manipulation optogénétique et la diminution de la quantité de béta-amyloïde. Ils ont observé le recrutement d’un certain type de cellules appelé microglie en réponse à la stimulation optogénétique. Ces cellules font partie du système immunitaire du cerveau chargé de le débarrasser de certains micro-organismes. Les auteurs ont ainsi mis le doigt sur un des mécanismes expliquant l’effet bénéfique de la stimulation optogénétique sur l’expression de la protéine béta-amyloïde : l’activation de la microglie.
 
Les auteurs ont ensuite poursuivi leur étude en posant une question clef : comment étendre leur découverte au cerveau humain ? Si l’optogénétique est un outil puissant, elle est pour le moment trop invasive et ne peut être utilisée telle quelle dans le cerveau humain. Néanmoins, inspirée par leur découverte, l’équipe de la Pr Li-Huei Tsai a mis au point une procédure de stimulation sensorielle. Les auteurs ont ainsi exposé les souris 5XFAD à une source de lumière intermittente (à la fréquence de 40 Hz), à la manière d’une lumière stroboscopique dans une discothèque. Cette procédure non invasive entraîne une augmentation des oscillations gamma à 40 Hz, une activation microgliale et une diminution de la quantité de protéine bêta-amyloïde dans le cortex visuel des souris 5XFAD jeunes, récapitulant ainsi les observations réalisées avec l’approche optogénétique dans l’hippocampe.
 
Les auteurs ont ensuite appliqué le même protocole chez des souris 5XFAD âgées qui présentent des plaques amyloïdes. De nouveau, l’exposition répétée à la source lumineuse intermittente résulte en la diminution de la quantité de plaque amyloïde.

Dans cette coupe de cerveau, les plaques amyloïdes (points verts) s’accumulent dans le cortex et l’hippocampe de souris modèle de la maladie d’Alzheimer. © Dheeraj Roy via Nature
 

Cette étude pourrait bien représenter un tournant dans la lutte contre la maladie d’Alzheimer. En effet, ces résultats lèvent un jour nouveau sur la relation entre la perturbation du rythme gamma et les niveaux d’expression de la protéine bêta-amyloïde dans le cerveau de souris modélisant la maladie d’Alzheimer. De plus, la procédure non invasive d’exposition à une source de lumière intermittente pourrait permettre de contourner les limitations traditionnelles de thérapie pharmacologique telles que les interactions avec d’autres traitements ou la difficulté pour les traitements actuels de passer la barrière hémato-encéphalique.
 
Il faut toutefois noter que les auteurs n’ont pas examiné les effets de la restauration des oscillations gamma sur les troubles de la mémoire. Les futures études inspirées par cette découverte incluront sans aucun doute ce niveau d’analyse afin de déterminer si cette approche non invasive permet de préserver l’intégrité des fonctions cognitives dans la maladie d’Alzheimer.
 
Une autre question importante concerne la généralisation de la technique de stimulation non invasive des oscillations gamma à d’autres régions cérébrales telles que l’hippocampe (importante pour l’apprentissage et la mémorisation). En utilisant une stimulation sensorielle de type visuelle, les chercheurs du MIT ont observé des effets bénéfiques dans le cortex visuel. L’objectif est maintenant de déterminer de nouveaux protocoles de stimulation sensorielle ou même cognitive afin que la modulation non invasive du rythme gamma puisse un jour être utilisée dans le traitement de la maladie d’Alzheimer.  

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Références d’intérêt:
 
1. Gamma frequency entrainment attenuates amyloid load and modifies microglia.
Iaccarino HF, Singer AC, Martorell AJ, Rudenko A, Gao F, Gillingham TZ, Mathys H, Seo J, Kritskiy O, Abdurrob F, Adaikkan C, Canter RG, Rueda R, Brown EN, Boyden ES, Tsai LH. Nature. 2016 Dec 7;540(7632):230-235.
 
2. Inhibitory interneuron deficit links altered network activity and cognitive dysfunction in Alzheimer model. Verret L, Mann EO, Hang GB, Barth AM, Cobos I, Ho K, Devidze N, Masliah E, Kreitzer AC, Mody I, Mucke L, Palop JJ.
Cell. 2012 Apr 27;149(3):708-21.
 
3. Conserved epigenomic signals in mice and humans reveal immune basis of Alzheimer's disease.
Gjoneska E, Pfenning AR, Mathys H, Quon G, Kundaje A, Tsai LH, Kellis M.
Nature. 2015 Feb 19;518(7539):365-9. 

 
  
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Antoine Besnard est Docteur en Neurosciences (2011, Université Pierre et Marie Curie, Paris VI). Durant son doctorat, il a étudié les mécanismes moléculaires qui contrôlent les adaptations du cerveau en réponse à la cocaïne sous la direction de la Dr. Jocelyne Caboche. En 2012, Antoine rejoint l’équipe du Dr. Amar Sahay situé au Massachusetts General Hospital (Boston). Il utilise des techniques optogénétiques afin de visualiser et contrôler l’activité des cellules du cerveau. Son travail vise à décoder les circuits neuronaux qui contrôlent la peur et l’anxiété. Ces études sont importantes puisque de nombreuses maladies psychiatriques perturbent ces circuits ainsi que ces comportements. Restaurer l’activité de ces circuits pourrait donc un jour permettre de soigner ou même prévenir ces maladies du cerveau. Twitter : @AntoineBesnard3

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