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Y voir plus clair sur le climat, c'est l'objectif de ce blog lancé à l'occasion de la 21e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP21).

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«L'Accord de Paris, un immense défi pour la science»
25.08.2016, par Édouard Michel, chargé des relations internationales et européennes à l'Institut écologie et environnement (Inee) du CNRS
L'accord international adopté à l'issue de la COP21 constitue un défi de taille pour la recherche, comme nous l'explique ici Édouard Michel de l'Institut écologie et environnement du CNRS.

Depuis le 13 décembre 2015 et l’adoption de l'Accord de Paris lors de la COP21, les applaudissements ont laissé place au temps de la réalisation. Peu d’accords internationaux laissent à ce point aux Parties qui les adoptent la responsabilité individuelle de leur mise en œuvre autour d’un effort coordonné. Le cadre d’action est vaste, les exigences différenciées selon les pays, mais le constat de nécessité a été répété à l’unanimité : les changements climatiques et leurs impacts doivent être limités, et cela passera par une réduction des émissions de gaz à effet de serre causées par les activités humaines.
   
Les changements climatiques, tels qu’abordés par les Parties, constituent un centre de gravité vers lequel convergent un ensemble de principes, de priorités et d’enjeux environnementaux, sociaux, économiques et géopolitiques. Les mobilisations de la société civile, inégalées par rapport aux autres conventions internationales, imposent cette multiplicité des enjeux associés comme une caractéristique des négociations et d’un développement véritablement durable.
  
L’Accord fixe un objectif : limiter l’augmentation de la température de la planète à 2°C par rapport aux températures préindustrielles (1850 étant la référence communément admise) à l’horizon 2100. Le cœur du mécanisme : tous les pays doivent mettre en place des plans quinquennaux pour limiter leurs émissions de gaz à effet de serre, et chaque fois de manière plus ambitieuse.

  
En marge des négociations de la COP 21, plusieurs ONG ont organisé une marche pour le climat au cours du mois de décembre 2015. (©Samuel Boivin/Citizenside/AFP)

Cela se fera avec la science. La recherche scientifique et ses domaines d’intervention figurent en bonne place dans les textes décisionnels de la COP21. Elle a un rôle de référent clairement établi, dès le préambule de l’Accord : les Parties reconnaissent « la nécessité d’une riposte efficace et progressive à la menace pressante des changements climatiques en se fondant sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles »1.
  
Le texte le dit et le répète : il est nécessaire de faire appel aux meilleures connaissances scientifiques disponibles, aux données les meilleures et les plus récentes, aussi bien pour mesurer le changement climatique, le prévoir, prévoir ses impacts sur les sociétés humaines et leurs environnements, que pour mettre en place des ripostes efficaces, développer des solutions et des mécanismes de limitation des émissions de gaz à effet de serre. Si la différence sémantique entre ce qui est désigné par connaissances et données scientifiques semble parfois incertaine, il n’en apparaît pas moins clairement que, depuis les questions de sécurité alimentaire, de santé, d’emploi, d’énergie, des océans, des forêts et de la biodiversité, jusqu’aux modes de production et de consommation, l’Accord de Paris fait état d’un immense besoin de connaissances. Une demande pressante qui plus est, car l’Accord n’est pas un constat ou une explication : il exprime un défi à relever. Un défi climatique aux dimensions multiples.

La recherche scientifique, et notamment la recherche de base, si elle ne saurait se limiter à la recherche de solutions sans la liberté de la curiosité, est une des clés de ce paradigme posé en défi. Cette notion de défi, dont la recherche doit questionner la nature même, fleurit partout dans la programmation de la recherche. On le voit avec les défis de l’ANR en France, les défis sociétaux d’Horizon 2020 en Europe, le défi du Belmont Forum pour la programmation internationale en environnement, pour n’en citer que quelques-uns.

Une recherche orientée vers des solutions n’est pas uniquement, et de loin, la recherche de solutions à des problèmes pratiques, mais aussi, et nécessairement, la recherche de nouvelles manières de penser, de nouvelles connaissances, de nouveaux processus et procédés, là où l’inconnu est incertitude, là où le monde dit en avoir besoin. 
 
Cela a un impact méthodologique pour la science. Ce besoin, exprimé par les Etats et la société civile, a pour conséquence de nécessiter une construction collective des enjeux et des pistes à emprunter. Car si la science est une référence, elle n’est pas la seule, et l’Accord le souligne. Il lui adjoint notamment les connaissances locales et traditionnelles et l’opportunité d’associer la variété des expertises dans la construction de réponses collectives là où les questions se rejoignent.
 
Car les questions environnementales ont une importance particulière dans les efforts internationaux. Elles sont une grande partie de ce qui constitue les biens publics mondiaux2 – le domaine de prédilection des Nations unies Le nombre de conventions internationales qui établissent des garde-fous à leur sujet, ainsi que l’attention qui leur est portée par la société civile font de ces questions un des principaux moteurs de transformation vers une durabilité mondiale, durabilité qui se définit et s’invente avec elles et avec la science-défi dont elles ont besoin. Alta alatis patent ! 3
 

Notes
  • 1. Préambule de l’Accord, p.23 du texte de la Décision http://unfccc.int/resource/docs/2015/cop21/fre/l09f.pdf
  • 2. Les biens publics mondiaux forment un ensemble d’enjeux dont la liste n’est pas établie de manière immuable. Le ministère en charge des Affaires étrangères, dans sa note de cadrage Les biens publics mondiaux, 2002, lien ci-après, en donne une liste indicative : la stabilité financière internationale, les questions environnementales, la lutte contre le sida, le contrôle de certaines épizooties, et enfin la création et le partage des connaissances (p.17) http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/Les_biens_publics_mondiaux-2.pdf
  • 3. « Le ciel est ouvert à ceux qui ont des ailes »

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