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L’essor des circuits courts énergétiques

L’essor des circuits courts énergétiques

29.01.2018, par
Suite à la loi du 24 février 2017, les particuliers qui ont installé des panneaux solaires sur leur habitation peuvent choisir de consommer tout ou partie de leur électricité, seuls mais aussi collectivement.
Que ce soit à l’échelle d'un bâtiment, d’un quartier ou d’une ville, il est désormais possible d'autoconsommer l’électricité produite localement grâce au renouvelable. Le point sur les dernières avancées techniques et législatives, à l’occasion du colloque Énergie qui se déroule lundi 29 janvier au siège du CNRS.

À Bordeaux, la résidence des Souffleurs, dans le quartier de la gare, fait figure de pionnière. Depuis le début de l’année 2018, les 60 locataires de cet immeuble à loyer modéré consomment directement l’électricité produite par les 260 mètres carrés de panneaux photovoltaïques installés sur le toit. Une première rendue possible par la loi du 24 février 2017, qui révolutionne la consommation d’énergie dans l’Hexagone : alors qu’ils étaient jusqu’ici fortement incités à revendre leur électricité à l’opérateur public EDF, les particuliers qui ont installé des panneaux solaires sur leur habitation peuvent choisir de consommer tout ou partie de leur électricité, seuls mais aussi collectivement. « Avec cette loi tant attendue, les foyers équipés en renouvelable, mais aussi leurs voisins qui ne seraient pas équipés, peuvent désormais se constituer en personne morale, via une association par exemple, afin d’autoconsommer collectivement l’électricité produite localement », explique Frédéric Wurtz, directeur de recherche au Laboratoire de génie électrique de Grenoble (G2ELab)1.

Depuis début 2018, les 60 locataires de cet immeuble bordelais consomment directement l’électricité produite par les 260 mètres carrés de panneaux photovoltaïques installés sur le toit.
Depuis début 2018, les 60 locataires de cet immeuble bordelais consomment directement l’électricité produite par les 260 mètres carrés de panneaux photovoltaïques installés sur le toit.

C’est une petite révolution. Jusqu’à présent, seuls 15 000 des 350 000 foyers producteurs (sur 37 millions de foyers raccordés) ont fait le choix de l’autoconsommation, renonçant au prix d’achat particulièrement attractif promis par EDF en échange de la réinjection de la totalité de leur production dans le réseau public : environ 20 centimes de plus par kilowattheure racheté par rapport au prix du marché. Pourtant, le désir d’autoconsommer est bien là : « En 2016, un tiers des particuliers qui installaient du photovoltaïque disaient vouloir consommer leur propre électricité, rappelle Abdelilah Slaoui, le directeur de la Cellule énergie du CNRS. La réduction de taxes promise par la loi aux autoconsommateurs et l’alignement progressif du prix du kilowattheure racheté sur le tarif du marché devraient les inciter à sauter le pas, et ce alors que le coût des panneaux photovoltaïques a fortement baissé ces dernières années. »

Projets collectifs d'autoconsommation

Les projets d’autoconsommation, collectifs notamment, commencent en tout cas à fleurir : dans le Cher, les 2000 habitants de la ville de Marmagne pourront bientôt couvrir directement 65 % de leurs besoins en électricité grâce aux panneaux installés sur les bâtiments communaux. À Perpignan, le projet Digisol devrait permettre d’ici à trois ans à mille logements – en immeuble collectif social et en résidence pavillonnaire – de consommer et de partager l’énergie produite par leur installation solaire. Dans ce dernier cas, la « blockchain » utilisée notamment pour certifier les transactions des monnaies virtuelles (bitcoin) permettra de savoir qui a produit et consommé quoi, à quel moment, et de mesurer la part d’électricité réinjectée (ou au contraire prélevée) dans le réseau public.

 

À Perpignan, la « blockchain » permettra de savoir qui a produit et consommé quoi, à quel moment, et de mesurer la part d’électricité réinjectée dans le réseau public.

« On ne peut pas faire de l’autoconsommation sans réseaux intelligents, ce qu’on appelle les smartgrids, confirme Abdelilah Slaoui, que ce soit à l’échelle du bâtiment ou à celle, plus vaste, du quartier ou de la ville. » Installés un peu partout dans la maison, notamment à la sortie de l’installation qui produit l’électricité, capteurs et compteurs intelligents de type Linky permettent déjà de connaître la puissance disponible à l’instant T, mais aussi la consommation des divers appareils électriques, et d’adapter ses comportements en conséquence.

« On préférera un pic de production lors d’une après-midi ensoleillée pour lancer sa machine à laver le linge », commente Abdelilah Slaoui. Les énergies renouvelables étant par définition intermittentes, le smartgrid permet également de gérer au mieux l’alternance jour-nuit et été-hiver (pour le solaire, majoritaire sur les bâtiments), en choisissant par exemple de stocker une partie du surplus d’électricité produit lors des pics pour anticiper les creux de production.

Des réseaux toujours plus intelligents

« Les solutions de stockage existent, affirme Frédéric Wurtz, même s’il y a encore beaucoup de recherches à mener pour en augmenter l’efficacité et en diminuer le coût. » Parmi les technologies disponibles aujourd’hui, les batteries des véhicules électriques offrent un stockage d’appoint intéressant pour gérer l’alternance jour-nuit – un marché de la revente est d’ailleurs en train de s’organiser pour les batteries qui ne disposent plus d’une capacité de charge suffisante pour continuer à être utilisées sur les véhicules. À plus long terme, le « power to gas », qui consiste à transformer l’excédent d’électricité produit en gaz (hydrogène ou méthane) est une autre solution. Deux possibilités : soit on stocke dans le sous-sol de son habitation le gaz ainsi produit pour le réutiliser tel quel ou le retransformer en électricité, soit on l’injecte dans le réseau de gaz de ville…

« De plus en plus, les réseaux intelligents vont devoir apprendre à jongler avec plusieurs types d’énergie », confirme Frédéric Wurtz – ce qui va nécessiter de considérables efforts de recherche en matière d’électronique de puissance, de capteurs ou encore de cybersécurité. C’est le cas du gaz, mais aussi de la chaleur produite par les installations électro-intensives – ces installations, industrielles notamment, dont les processus consomment énormément d’électricité et produisent beaucoup de chaleur. Pourquoi ne pas récupérer la chaleur ainsi produite pour chauffer les bâtiments alentour, quand le besoin s’en fait sentir ? C’est ce qui se passe déjà pour le data center (centre de données) hébergeant les serveurs de la banque Natixis à Val d’Europe (Val-de-Marne), qui fournit chauffage et eau chaude aux bâtiments voisins en recyclant sa propre chaleur.

Sur la Presqu'île de Grenoble, la chaleur dégagée par le Laboratoire national des champs magnétiques intenses sera bientôt récupérée pour chauffer les logements de l'écoquartier voisin.
Sur la Presqu'île de Grenoble, la chaleur dégagée par le Laboratoire national des champs magnétiques intenses sera bientôt récupérée pour chauffer les logements de l'écoquartier voisin.

Autre projet à l’étude, cette fois-ci dans l’écoquartier de la Presqu'île, à Grenoble : récupérer la chaleur produite par les installations scientifiques installées sur le site – en l’occurrence, le Laboratoire national des champs magnétiques intenses (LNCMI)2 qui représente, avec le synchrotron présent sur le site, une part significative de la consommation électrique de la ville – pour alimenter en chaleur les logements tout proches.

Dès 2020, 100% de bâtiments positifs

« Encore balbutiants, les projets d’autoconsommation à l’échelle locale devraient exploser à partir de 2020, avec la mise en œuvre de la nouvelle norme de construction s’appliquant aux bâtiments neufs », veut croire Frédéric Wurtz. La RT 2020 (réglementation thermique 2020), destinée à remplacer la RT 2012 qui s’applique aujourd’hui, prévoit en effet que tous les bâtiments construits à partir de cette date devront être à énergie positive : en moyenne annuelle, ils devront produire plus d’énergie qu’ils n’en consomment.

« Au rythme où vont les choses, en 2030, on estime que 10 % des foyers seront en autoconsommation – soit 4 millions de familles », indique Abdelilah Slaoui. Et si certains se prennent à rêver d’une autonomie totale par rapport au réseau public d’électricité, les chercheurs estiment que l’autarcie électrique pour tous n’est pas encore pour demain. « Un réseau national devra continuer d’exister, car il demeure essentiel pour pallier les pics de consommation, en cas d’hiver très rigoureux par exemple », tempère Frédéric Wurtz.

Notes
  • 1. Unité CNRS/Grenoble INP/Université Grenoble-Alpes.
  • 2. Unité CNRS/Insa Toulouse/Université Toulouse Paul-Sabatier/Université Grenoble-Alpes.

Commentaires

1 commentaire

Il m'avait semblé que l'électricité prenait forcément le chemin le plus court... L’électricité prétendument injectée sur le réseau est en réalité directement consommée au plus prés de la production si consommation il y a... n'ira en réalité, chez le voisin le plus proche que l'électricité restante... et ainsi de suite de proche en proche... Refuser une subvention pour pouvoir dire j'ai consommer ma propre production énergétique alors que c'est forcément et scientifiquement toujours le cas (sauf à construire 2 réseau ou fantasmer sur des systèmes de batteries tout à fait inutile dans le cadre d'une installation connectée au réseau....). Franchement.... ça ne serai pas le rôle du CNRS que de faire de la pédagogie sur ce genre d'arnaques ?
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