Sections

Sept cas célèbres de scientifiques accusés de fraude

Sept cas célèbres de scientifiques accusés de fraude

03.12.2014, par
Plusieurs affaires de fraude ont défrayé la chronique ces vingt dernières années, laissant à penser que les pratiques scientifiques douteuses seraient en augmentation. Or il semblerait que celles-ci existent depuis aussi longtemps que la science existe, comme en témoigne ce florilège de cas de fraudes plus ou moins illustres.

Cyril Burt, l’idéologue faussaire

Cyril Burt fut un temps présenté comme le plus grand psychologue britannique. Celui-ci consacra une partie de sa carrière à prouver l’hérédité de l’intelligence en comparant les scores de vrais jumeaux aux tests de QI. Il affirmait, entre autres, avoir établi une forte corrélation entre les QI des vrais jumeaux, même quand ils avaient été séparés à la naissance. Ces résultats, combinés à la renommée universitaire et à l’activisme idéologique de Burt, ont fortement influencé les politiques publiques en matière d’éducation tant au Royaume-Uni qu’aux États-Unis. Toutefois, dès sa disparition en 1971, une enquête révéla que les taux de corrélation obtenus par Burt étaient bien trop stables d’une étude à l’autre pour être statistiquement crédibles. On découvrit ensuite que certains des jumeaux n’avaient en fait jamais existé et que leurs scores de QI, et les corrélations afférentes, avaient donc été complètement fabriqués.
 

Andrew Wakefield, le fabricant de doute

En 1998, le chirurgien britannique Andrew Wakefield publiait dans The Lancet une étude réalisée auprès de douze enfants affirmant que certains avaient développé une forme d’autisme à la suite de l’administration du vaccin rougeole-oreillons-rubéole (ROR). Cette publication entraîna une chute brutale de la couverture vaccinale au Royaume-Uni ainsi qu’une augmentation sensible des cas de rougeole. Pourtant, aucune autre équipe ne parvint à répliquer ce résultat. Pis, en 2004, le Sunday Times révéla que les enfants prétendument devenus autistes l’étaient avant d’être vaccinés. Le journal révéla surtout que Wakefield avait été acheté par un avocat qui voulait intenter une action judiciaire contre le laboratoire produisant le vaccin. Les résultats de l’étude avaient en fait été entièrement fabriqués dans ce but. Plusieurs articles du British Medical Journal ont plus tard mis en évidence que Wakefield prévoyait de lancer une entreprise s’appuyant sur une campagne de propagande anti-vaccin. En janvier 2010, un tribunal du British General Medical Council a reconnu le chirurgien coupable de fabrication de données, lui retirant à vie le droit d’exercer la médecine au Royaume-Uni. Cette suspicion infondée planant sur le vaccin ROR ne s’est toutefois pas complètement dissipée auprès du public. Et Wakefield, qui a toujours nié la moindre fraude, exerce désormais aux États-Unis et intervient régulièrement pour les lobbies anti-vaccination, continuant ainsi sa carrière de « marchand de doute ».

Andy Wakefield
Bien qu’il ait été convaincu de falsification et interdit d’exercice de la médecine au Royaume-Uni, Andrew Wakefield continue de promouvoir publiquement ses thèses anti-vaccination.
Andy Wakefield
Bien qu’il ait été convaincu de falsification et interdit d’exercice de la médecine au Royaume-Uni, Andrew Wakefield continue de promouvoir publiquement ses thèses anti-vaccination.

Jan Hendrik Schön, le roi de la falsification

Au début des années 2000, le jeune physicien allemand Jan Hendrik Schön apparaissait comme l’étoile montante de la discipline après une série d’apparentes percées dans le domaine de la matière condensée et des nano-technologies. Recruté en 1997 par les prestigieux Bell Labs juste après avoir obtenu son doctorat, il publie en 2000 huit articles dans les revues Science et Nature, et plus d’un article par semaine en 2001. Cette année-là, il annonce même, dans la revue Nature, être parvenu à fabriquer un transistor moléculaire ; ce qui pouvait constituer le premier pas vers le développement d’une nano-électronique organique affranchie du silicium. Il reçoit pour cela plusieurs distinctions scientifiques. Son ascension s’interrompt néanmoins en mai 2002. Là, à la suite de plaintes de plusieurs groupes de recherche incapables de répliquer les résultats publiés par Schön, les Bell Labs ouvrent une enquête sur son travail. Les enquêteurs vont alors découvrir que Schön a, sous des prétextes fallacieux, détruit ses données expérimentales brutes et qu’il n’est pas en mesure de leur fournir le moindre cahier d’expérience. En septembre 2002, l’enquête conclut qu’au moins 16 allégations de fraude sur 24 sont avérées. Schön plaide d’abord l’erreur de bonne foi avant de reconnaître avoir arrangé ses résultats pour les rendre plus convaincants. La plupart de ses articles ont été rétractés et il a été déchu de son doctorat. Il a depuis été recruté par une entreprise privée. Les personnes qui avaient cosigné avec lui les articles frauduleux n’ont, quant à elles, jamais été inquiétées. Au-delà du cas personnel de Schön, cette affaire provoqua un vif débat sur la pertinence du modèle traditionnel de vérification par des pairs des erreurs et de l’originalité des articles.

 

David Baltimore, le Nobel accusé à tort

En 1986, une jeune post-doctorante en stage dans un laboratoire du Massachusetts Institute of Technology (MIT) accuse sa directrice, Thereza Imanishi-Kari, d’avoir falsifié les résultats d’une étude publiée dans Cell et cosignée par le Prix Nobel David Baltimore. Deux premières enquêtes, l’une menée en interne au sein du MIT, l’autre par la NIH (l’Inserm états-unien), concluent à des erreurs mineures ne justifiant ni sanction ni rétractation. Toutefois, l’affaire est largement évoquée dans la presse américaine et, à l’instigation du sénateur démocrate John Dingell, persuadé que le puissant David Baltimore a utilisé son influence pour étouffer l’affaire soulevée par une jeune chercheuse isolée, l’Office of Research Integrity rouvre le dossier. Sans véritable procédure contradictoire, il déclare Imanishi-Kari coupable en 1991, puis à nouveau en 1994. Entre-temps, Baltimore a été contraint de démissionner de la présidence de l’université Rockefeller. Finalement, à la faveur d’un changement de majorité politique, en 1996, une procédure d’appel lavera Imanishi-Kari et Baltimore de toutes les accusations d’inconduite portées contre eux. Cette affaire, qui a conduit à la mise en suspens de la carrière de deux brillants chercheurs pendant dix ans sur la base d’accusations non fondées, illustre caricaturalement le risque qu’il y a de laisser aux médias et aux politiques le soin d’instruire les soupçons d’inconduite scientifique.

Pour plus d’infos :  « Fraudeurs, les chercheurs ? Les leçons de l’affaire Baltimore »,  Daniel J. Kevles, La Recherche, n° 323, sept. 1999, p. 66.

 

Trois illustres fraudeurs passés à la postérité

Ptolémée, Galilée, Mendel
De gauche à droite : Ptolémée, Galilée et Mendel.
Ptolémée, Galilée, Mendel
De gauche à droite : Ptolémée, Galilée et Mendel.

Claude Ptolémée est réputé avoir été le plus grand astronome de l’Antiquité : dans son ouvrage majeur, l’Almageste, il décrit un modèle géocentrique du mouvement des astres qui ne sera sérieusement remis en cause que par Copernic, Kepler, puis Galilée. Il appuyait son modèle sur des mesures astronomiques qu’il prétendait avoir réalisées lui-même sur la côte égyptienne au IIe siècle. Des mesures qui, en fait, avaient été effectuées 300 ans plus tôt par l’astronome grec Hipparque sur l’île de Rhodes. Un plagiat pur et simple, mais qui a tout de même permis aux astronomes de prédire avec précision la position du Soleil et des planètes pendant près de 1 400 ans.

Galilée est bien connu pour les démêlés qu’il a eus avec l’Inquisition quand il a contribué à la mise à bas du modèle de Ptolémée. Il est également souvent présenté comme l’un des fondateurs de la méthode scientifique moderne, qui postule que seule l’expérimentation peut servir d’arbitre à la vérité. Pourtant, aucun de ceux qui ont tenté de répliquer les résultats de ses expériences sur la chute des corps n’y est parvenu, du moins avec la précision proclamée par Galilée. Il semble donc que, certain de la justesse et de l’élégance de sa théorie mécanique, Galilée ait fait passer une brillante et féconde expérience de pensée pour un véritable travail empirique. Et pour cela, il aurait tout simplement fabriqué des données.

Le moine tchèque Johann Gregor Mendel est considéré comme l’inventeur de la génétique moderne. En croisant des petits pois dans son jardin et en observant la fréquence de sept caractères héréditaires, il a établi des lois de transmission des gènes encore utilisées aujourd’hui. Le problème, c’est que les résultats qu’il a publiés, à l’époque dans l’indifférence générale, sont statistiquement trop parfaits pour être vrais. Du moins avec la taille de ses échantillons. Il est donc très probable que le père de la génétique ait arrangé, donc falsifié, ses données.

Sur le même sujet :
« Fraude : mais que fait la recherche ? »
« Osons parler de la fraude scientifique »
« De l’importance de l’intégrité en recherche »

Commentaires

0 commentaire
Pour laisser votre avis sur cet article
Connectez-vous, rejoignez la communauté
du journal CNRS