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Quelle place pour le nucléaire dans l'énergie mondiale ?

Quelle place pour le nucléaire dans l'énergie mondiale ?

02.12.2015, par
Centrale nucléaire de Haiyang dans la province de Shandong
Ouvrier photographiant la construction du réacteur n° 2 de la centrale nucléaire de Haiyang, située dans la province chinoise de Shandong, le 12 septembre 2015.
Le parc mondial de réacteurs nucléaires va croître significativement dans les vingt prochaines années, sous l’impulsion des pays émergents. Pour autant, la part de l’atome dans le mix électrique restera minoritaire sur la planète. Explications.

De par le monde, le charbon, le pétrole et le gaz sont les sources d’énergie dominantes. En revanche, en France, 75 % de l’électricité est d’origine nucléaire, ce qui permet à notre pays de figurer dans le peloton de tête des pays qui contribuent à une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre, en particulier le dioxyde de carbone. De quoi se demander si l’atome ne constituerait pas la martingale énergétique à même de juguler le réchauffement climatique.

Une géographie du nucléaire très contrastée 

Avant toute chose, force est de reconnaître la situation singulière de la France qui, pour des raisons historiques, a fait le choix du tout-nucléaire. Ainsi, avec 58 réacteurs en fonction, pour une puissance de 63 gigawatts (GW) et une production électrique de 418 térawatts-heure (TWh) en 2014, l’Hexagone se place en deuxième position parmi les pays qui produisent de l’électricité d’origine nucléaire. Et largement en tête si on ramène ces chiffres à son nombre d’habitants.

En revanche, à l’échelle mondiale, les 438 réacteurs aujourd’hui en activité, avec une production de 2 411 TWh par an, n’ont fourni en 2014 que 11,5 % de la production électrique mondiale, loin derrière le charbon (41 %), le gaz (22 %) et l’hydroélectricité (16 %). Par ailleurs, le nucléaire ne couvre que 5 % de la demande énergétique totale, ce qui représente néanmoins 2,5 fois plus que la part des énergies renouvelables.

Du reste, la géographie du nucléaire est très contrastée : 80 % de la production est le fait de pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), soit les pays dont l’économie est la plus avancée. À eux seuls, les États-Unis comptent 99 réacteurs. Représentant une puissance totale de 99 GW, ils ont produit 799 TWh d’électricité en 2014, ce qui correspond à 20 % de la production électrique de ce pays. Avec 34 réacteurs représentant 25 mégawatts (MW), la Russie a pour sa part produit 169 TWh d’électricité nucléaire l’année dernière. Et la Corée du Sud, 149 TWh.

Centrale nucleaire de Watts Bar a Spring City
La centrale nucléaire de Watts Bar au Tennessee (États-Unis).
Centrale nucleaire de Watts Bar a Spring City
La centrale nucléaire de Watts Bar au Tennessee (États-Unis).

Désormais, il faut également compter avec la Chine et l’Inde. La première, avec 29 réacteurs représentant une puissance de 26 MW, a produit 124 TWh d’électricité nucléaire en 2014. Quant à la seconde, sa production est désormais comparable à celle de certains pays européens. Le nucléaire ne représente pourtant actuellement qu’environ 2 % du mix électrique en Chine et encore moins en Inde.

La montée en puissance des pays émergents

Mais ce tableau est amené à grandement évoluer dans les décennies à venir. Comme l’indique François Lévêque, professeur d’économie à Mines ParisTech1, « l’évolution de l’énergie nucléaire dans le monde est caractérisée par un basculement des pays développés vers les pays émergents, ce qui constitue un changement radical ».

Ainsi, la France a par exemple fait le choix de ramener la part du nucléaire de 75 à 50 % d’ici à 2025. Et pour l’heure, un seul réacteur, l’EPR de Flamanville, est en construction. Par ailleurs, l’Allemagne, la Suède, la Belgique et l’Italie ont fait le choix de sortir progressivement du nucléaire au début des années 2000. De même que la Suisse, à la suite de la catastrophe de Fukushima en 2011. Quant au Japon, même s’il redémarre petit à petit ses réacteurs, décision a été prise que le nucléaire ne serait plus aussi important dans son mix électrique. Même les États-Unis ferment des réacteurs pourtant prolongés par l’autorité de sûreté au-delà de 60 ans du fait de la moindre rentabilité de l’atome par rapport aux gaz de schiste. Résultat, 6 % d’électricité nucléaire en moins dans le dans le bouquet énergétique mondial par rapport à 1998, année où cette énergie a culminé à 18 % du mix électrique.

En 2035, la puissance cumulée des réacteurs chinois devrait dépasser celle réunie des réacteurs états-uniens et russes d’aujourd’hui.

Pour autant, l’énergie nucléaire n’est pas amenée à décroître. Actuellement, 65 réacteurs représentant une puissance cumulée de 68 GW sont en construction dans le monde, dont les trois quarts dans des pays hors OCDE. Ainsi, la Chine construit 22 réacteurs, en a planifié 43 et se penche sur 136 autres selon les chiffres de la World Nuclear Association. « En 2035, la puissance cumulée des réacteurs chinois devrait dépasser celle réunie des réacteurs états-uniens et russes d’aujourd’hui », note Alain Dollet, directeur adjoint scientifique Énergie à l’Institut des sciences de l’ingénierie et des systèmes du CNRS.

Maquette de réacteur nucléaire lors de l'Exposition Internationale des hautes technologies, à Pékin
Présentation du Hualong One (ACP1000), réacteur de 3e génération développé par la Chine, lors de l’édition 2015 de la Chitec, une exposition internationale chinoise dédiée aux hautes technologies.
Maquette de réacteur nucléaire lors de l'Exposition Internationale des hautes technologies, à Pékin
Présentation du Hualong One (ACP1000), réacteur de 3e génération développé par la Chine, lors de l’édition 2015 de la Chitec, une exposition internationale chinoise dédiée aux hautes technologies.

De son côté, l’Inde construit 6 réacteurs et en a planifié 22, la Russie 9 et 31, et la Corée envisage de doubler sa puissance nucléaire installée. Enfin, plusieurs pays pourraient prochainement faire leur entrée dans le club fermé des pays ayant accès au nucléaire civil, dont le Vietnam, l’Arabie saoudite et les Émirat arabes unis. Si bien que, comme le fait remarquer Alain Dollet, « les entrants vont plus que compenser les sortants ». D’un mot, dans son rapport «World Energy Outlook» paru en 2013, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit une augmentation de 60 % de la puissance installée totale d’ici à 2040, correspondant au solde de l’arrêt de 150 GW et de la mise en route de 380 GW.

Un recours au nucléaire qui restera limité

Et pourtant, selon l’AIE, il est probable que la part du nucléaire dans le mix électrique mondiale restera constante, environ autour de 12 %, d’ici à vingt ans. Tout au plus devrait-elle atteindre 18 % pour peu que la planète s’en tienne résolument à l’objectif d’un maintien du réchauffement climatique sous le seuil de 2 °C. Ce qui, ramené à la demande énergétique totale, accorde au nucléaire environ de 6 à 10 % de l’ensemble. L’explication : « Si les émergents vont investir massivement dans le nucléaire, ils vont le faire également dans les autres formes d’énergie, notamment les renouvelables, pour répondre à des besoins croissants », explique Alain Dollet.

Comme le résume François Lévêque, « le nucléaire n’est pas dominant dans le mix électrique et donc énergétique mondial et n’est pas amené à le devenir. Non seulement il ne sert que pour la production électrique de base, mais il nécessite des exigences de sûreté et des capacités scientifiques qui ne sont pas à la portée de tous les pays ».

Ainsi, si le recours au nucléaire a bien permis d’empêcher le rejet de 56 gigatonnes de dioxyde de carbone depuis 1971, soit deux ans d’émission au rythme actuel, et pourrait en faire gagner quatre de plus d’ici à 2040, « le nucléaire n’est qu’une solution parmi d’autres, et non la principale, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre », conclut François Lévêque.
     
 

À voir sur le même sujet :
Les vidéos du débat « Quelle place pour le nucléaire dans la transition énergétique ? » qui s’est tenu au Forum du CNRS le 13 novembre dernier. Avec Sylvain David, de l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules du CNRS, Romain Garcier du Laboratoire Environnement, ville, société (EVS), et Maurice Pagel, codirecteur du projet fédérateur « Ressources » du Grand Défi CNRS NEEDS, chercheur au laboratoire GEOsciences Paris-Sud et professeur émérite à l’université de Paris-Sud.

Notre infographie « L'énergie nucléaire dans le monde »

Notes
  • 1. Sur le sujet, François Lévêque a récemment publié Nucléaire On/Off. Analyse économique d’un pari, chez Dunod.

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