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La 5G est-elle soluble dans la sobriété ?

La 5G est-elle soluble dans la sobriété ?

21.11.2022, par
Une antenne 5G camouflée dans un sapin artificiel au Lavandou, dans le Var (août 2022).
Sans nier les gains de performance promis par les réseaux 5G, des scientifiques se sont demandé pourquoi et comment leur exploitation s’avère finalement aussi coûteuse en énergie.

Si l’on en croit les opérateurs, le déploiement de la 5G apportera une amélioration phénoménale de la qualité de service et des performances sur les réseaux sans fil. Derrière les promesses, des chercheurs s’interrogent toutefois sur le surcoût énergétique qu’induira cette mise à niveau technologique voulue par l’industrie des télécoms sans forcément être demandée par les utilisateurs.

Une consommation électrique globale en hausse

Selon l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), l’efficacité énergétique des réseaux combinant 4G et 5G dans une zone densément peuplée pourrait être trois fois plus élevée que celle de la 4G seule. Toutefois, selon Anne-Cécile Orgerie, chercheuse à l’Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires1 (Irisa) et co-auteure d’un rapport sur l’impact énergétique de la 5G au sein du groupement EcoInfo, de tels chiffres sont à prendre avec des pincettes : « Ce que l’on désigne ici comme étant l’efficacité énergétique doit être interrogé. Car, attention, ce sont ici uniquement des puissances théoriques affichées et non les puissances réellement observées », avertit Anne-Cécile Orgerie.

Une habitante de New York (Etats-Unis) a une vue directe sur l'antenne 5G installée dans sa rue (oct. 2022).
Une habitante de New York (Etats-Unis) a une vue directe sur l'antenne 5G installée dans sa rue (oct. 2022).

Il faut en effet distinguer l’efficacité énergétique et la consommation globale du réseau. « C’est ce qu’on appelle “l’effet rebond”, explique la chercheuse. Bien que l’équipement proprement dit consomme moins d’énergie par bit traité lorsqu’il est utilisé à pleine puissance, cet équipement absorbe un trafic de données bien plus conséquent. Pour cette raison, la consommation globale ne baisse pas et, bien au contraire, ne fait qu’augmenter, même si le nouveau réseau est plus efficace que l’ancien pour gérer les nouvelles applications. » Bref, l’amélioration des capacités conduit à une augmentation des usages. Ainsi, selon l’Arcep, une antenne 5G peut consommer jusqu’à 19 kilowatts quand une antenne 4G se contente de 7 kilowatts.

Besoin des utilisateurs ou des opérateurs ?

De fait, la 5G diminue considérablement le temps de latence (le temps que met un terminal à établir le contact avec un autre terminal du réseau) et augmente significativement la bande passante, permettant des vitesses de transfert atteignant 20 Gbit/s. Des optimisations qui autorisent le streaming de vidéos en très haute définition, la participation à des visioconférences rassemblant des dizaines de participants, ou à des jeux massivement multijoueurs. La 5G doit également permettre l’essor de ce qu’on appelle l’Internet des objets (IoT), qui selon l’entreprise Cisco connectera à Internet près de 12 milliards de dispositifs électroniques mobiles d’ici 2025 : des montres connectées aux voitures autonomes, en passant par les capteurs de santé et les appareils électroménagers contrôlables à distance.  

Reste à savoir si cette course à l’innovation, qui prend le dessus sur un développement raisonné des réseaux, correspond à un réel besoin des utilisateurs. Selon Anne-Cécile Orgerie, « le déploiement de tels réseaux reste minoritaire à l’heure actuelle mais ils tiennent le devant de la scène car ils permettent le développement de technologies de pointe. De fait, les performances théoriques qu’ils affichent incitent à développer des applications toujours plus gourmandes en performances, qu’on n’imaginait pas réalisables, et le marché des mobiles emboîte le pas ».

Un déploiement trop anarchique pour être sobre

« L’efficacité énergétique annoncée est d’autant moins pertinente pour répondre à un plan de sobriété, que les infrastructures réseaux présentent de nombreuses déficiences, poursuit la chercheuse. Tant sur le plan de la propagation des ondes que de la cohérence du déploiement de ces infrastructures. » Pour l’instant, les antennes 5G à très haut débit ont un rayon de couverture 10 à 50 fois moins étendu que celui permis par les antennes 4G. En effet, plus le débit fourni est élevé, plus l’atténuation du signal est forte avec la distance. À cela s’ajoute la mauvaise propagation dans les espaces intérieurs des ondes exploitées pour la 5G. Les opérateurs n’ont donc pas d’autre choix que de multiplier le nombre d’antennes pour garantir de bonnes performances, démultipliant par conséquent la consommation énergétique globale du réseau. « Une étude suédoise a montré que les modules 5G atteignent actuellement une efficacité d’environ 1 Mbit/joule, loin des 10 Mbits/joule proclamées et très loin des quelques térabits/joule théoriquement atteignables en technologie mobile. Cela illustre parfaitement la différence entre les performances théoriques annoncées et celles mesurées en condition réelle », note Anne-Cécile Orgerie.

Boutique d'un opérateur téléphonique proposant la 5G à Fontenay-sous-Bois (94).
Boutique d'un opérateur téléphonique proposant la 5G à Fontenay-sous-Bois (94).

La consommation électrique pourrait par ailleurs être mieux contrôlée par une meilleure politique de répartition des infrastructures sur le territoire. « Le déploiement d’un nouveau réseau ne correspond pas à une substitution, précise Anne-Cécile Orgerie. On ne fait qu’empiler au fur et à mesure des infrastructures de plus en plus énergivores sans qu’il n’y ait de réelle coordination dans l’utilisation des différents réseaux qui possèdent chacun leur propre standard. » En effet, chaque réseau possédant un système standard différent, les mobiles fonctionnant sur la 2G, 3G et 4G deviennent obsolètes sur les nouveaux réseaux. Si les mobiles 5G peuvent également fonctionner sur les anciens réseaux, l’inverse n’est pas possible. Ces processus de conception empêchent de travailler sur d’éventuels systèmes hybrides pouvant participer à une économie d’énergie : « Les ingénieurs pourraient envisager de garder un standard commun afin que les utilisateurs d’anciennes générations puissent utiliser le réseau 5G pour des applications communes, confie la chercheuse. Mais cela impliquerait de s’arrêter à cette génération et de se concentrer uniquement sur l’amélioration de celle-ci au lieu de changer sans cesse. Évidemment, pour des raisons économiques, ce n’est ni la stratégie des opérateurs ni celle des fabricants de smartphones ». ♦

À lire sur notre site
À quoi sert la 5G ? (entretien avec Philippe Owezarski).

 

Notes
  • 1. Unité CNRS/Université de Rennes 1.

Commentaires

2 commentaires

Bonjour, merci pour cet article. Je trouve les points abordés intéressant mais un passage un peu trop simplifié me fait réagir. "Pour l’instant, les antennes 5G à très haut débit ont un rayon de couverture 10 à 50 fois moins étendu que celui permis par les antennes 4G. En effet, plus le débit fourni est élevé, plus l’atténuation du signal est forte avec la distance. À cela s’ajoute la mauvaise propagation dans les espaces intérieurs des ondes exploitées pour la 5G. Les opérateurs n’ont donc pas d’autre choix que de multiplier le nombre d’antennes pour garantir de bonnes performances, démultipliant par conséquent la consommation énergétique globale du réseau. " Ici plusieurs notions sont abordées mais la simplification de l'article fait qu'il manque cruellement de détails pour bien comprendre de quoi on parle et laisse penser que: - la couverture dépend de la technologie? Non cela dépend de la fréquence d'emmission de l'antenne. Une antenne émettant en 700Mhz couvrira une zone plus grande qu'une antenne émettant en 3500Mhz. La technologie 5G peut être utilisée par les opérateurs sur toutes les fréquences dont ils possèdent les droits d'emmission (neutralité technologique). Un phénomène existe aussi c'est la respiration des antennes. Plus celle-ci est utilisée plus celle-ci va réduire son champs de couverture pour assurer une qualité de service constante dans la zone autour d'elle. Cela se produit pour toutes les technologies (3G 4G 5G). En 5G, une nouvelle capacité existe le beamforming. Au lieu que l'antenne émette dans toutes les directions avec la même puissance on va privilégier la direction où il y a la demande par le terminal mobile. La respiration d'antenne globale s'en trouve donc amoindrie. -La multiplication des antennes est liée aux fréquences déployées. Les industriels et gouvernements ont identifié des bandes de fréquences pour le déploiement de la 3,5Ghz et 26Ghz (plus tard) mais les autres fréquences déjà en exploitations peuvent être utilisée. Pourquoi ces fréquences. Car cela est du à la bande passante disponible dans ces plages de fréquence. Il est plus facile d'octroyer 300MHz de bande passante à 3,5Ghz qu'à 700Mhz sans empiéter sur les fréquences utilisées par les autres technologie (WIFI, TV, Satellite, militaire, aviation). La bande passante détermine le débit pouvant être atteint. On comprend donc aisément pourquoi il y a une augmentation des fréquences utilisées pour augmenter les débits. Donc oui les antennes 5G consomment moins à débit égale couverture égale mais l'utilisation de fréquences hautes pour plus de débit oblige la multiplication de celles-ci en faisant donc augmenter la consommation globale. On pourrait avoir un moratoire qui oblige a éteindre la génération N-2 avant de déployer la génération N. Sachant qu'il y a environ 8 à 10 ans entre chaque génération cela laisse le temps du renouvellement du parc de téléphonie sans devoir changer tout les 2 ans.

Le digital fonctionne en ignorant complètement la sobriété, et a un impact écologique de plus en plus grand. La masse de donnée qui dort dans les data-center croît à une vitesse non maitrisée, et maintenant cette masse circule de plus en plus sur les réseaux dans un gâchis énorme. L'information juste nécessaire ne doit pas représenter 30% de ce qui circule sur les réseaux. Comme pour la voiture, on habitue les gens au toujours plus sans que cela leur coûte, pour des usages superflus, des images de 12 millions de pixels qui circulent de portable en portable pour s'afficher sur des écrans de 300.000 pixels. La publicité qui circule sur les réseau doit représenter un bon pourcentage de données inutiles. On peut toujours claironner que x% de l'énergie est consommée par les réseaux et le digital, mais les états ne font rien, peut-être qu'ils utilisent le digital comme une forme d'opium du peuple pour qu'il ne réalise pas qu'il est un fournisseur de dividende.
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