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Jean Tirole, Prix Nobel d’économie

Jean Tirole, Prix Nobel d’économie

13.10.2014, par
Jean Tirole
Jean Tirole, prix Nobel 2014 d'économie.
Jean Tirole vient de se voir attribuer le prix Nobel d’économie. Voici le portrait que « Le Journal du CNRS » lui avait consacré en 2007, année où il reçut la médaille d’or du CNRS. Celle-ci venait récompenser une œuvre déjà très riche, allant de l'économie des nouvelles industries à la psychologie.

Cet article a été publié dans Le Journal du CNRS en décembre 2007.

Économiste de renommée planétaire, Jean Tirole aurait-il un secret pour transformer les choses en or ? Tout semble réussir à cet homme de 54 ans qui a révolutionné des pans entiers – et très différents – de l'économie moderne, se chargeant même parfois de leur donner leurs lettres de noblesse. Auteur de plus de 160 publications et de huit ouvrages de référence, il forge actuellement un avenir doré au pôle Toulouse Sciences Économiques (TSE). Et pour couronner le tout, la médaille d’argent du CNRS, reçue en 2002, se mue aujourd’hui en or, faisant de lui le second économiste, après Maurice Allais en 1978, à recevoir la plus haute distinction scientifique française. Doté d’une humilité et d’une courtoisie à toute épreuve, le lauréat n'a pourtant rien d’un alchimiste. Son principal atout, selon son confrère Jean-Charles Rochet ? « Une intelligence rare, capable d'inventer, mais aussi de retenir et de structurer une somme hallucinante de travaux scientifiques. »

Une rencontre tardive

Dans son fief toulousain, Jean Tirole, voix grave et regard doux, le confie aisément : sa destinée n’était pas toute tracée dans un pays à la « faible » culture économique. Né à Troyes d’un père gynécologue obstétricien et d’une mère professeur de lettres, il ne suit son premier cours d’économie… qu’à 21 ans ! Nous sommes en 1974 : le jeune homme a déjà pris son envol et atterri à Paris, à l’École polytechnique, où il aiguise ses mathématiques. Attiré depuis longtemps par les sciences humaines et sociales, il se dit alors que le tout se marie plutôt bien dans l’économie : un choix qu'il valide en optant pour le corps des Ponts et Chaussées.

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À propos
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Description: 
Portrait de Jean Tirole lors de la Médaille d'or du CNRS 2007 . Il évoque son parcours et sa passion pour son travail de chercheur. Ce chercheur, qui travaille au GREMAQ, est parvenu avec son équipe à positionner Toulouse parmi les deux meilleurs pôles de recherche en sciences économiques en France. S'appuyant sur les théories des jeux et sur la théorie de l'information, il façonne les bases d'une "nouvelle économie industrielle". Il participe activement au débat public en proposant des lignes directrices en matière de politique économique.
Année de production: 
2010
Durée: 
4 min 46
Réalisateur: 
Marcel Dalaise, DIdier Boclet
Producteur: 
CNRS Images
Intervenants: 
Jean TIROLE (GREMAQ, UMR Univ. Toulouse 1, CNRS, EHESS et INRA)

En 1978, le voilà qui traverse l’Atlantique pour une thèse au Massachussetts Institute of Technology (MIT). Celle-ci va porter sur divers sujets, notamment sur les circonstances dans lesquelles peut apparaître une bulle financière, comme la bulle Internet à la fin des années 1990. Dans une ambiance conviviale, il côtoie là-bas le gratin de la discipline, dont Paul Samuelson, l'un des plus grands économistes du XXe siècle. Et prend un virage décisif : « À cette époque, l’économie était submergée par des mathématiques très abstraites, explique Christian Gollier, directeur adjoint de TSE. Jean s’est inscrit à contre-courant, dans des problématiques très concrètes. »

Rapidement, il engrange les succès au MIT, où il est devenu professeur. Jusqu’en 1991, année charnière… et sabbatique, qu’il passe à Toulouse pour finir un livre avec un de ses confrères, Jean-Jacques Laffont. Or celui-ci a un projet ambitieux : faire de l’université Toulouse-I un pôle mondial pour leur discipline. L’enthousiasme est contagieux, et le futur médaillé et son épouse ne repartiront pas. Depuis, notre homme poursuit son œuvre au sein du Groupe de recherche en économie mathématique et quantitative (Gremaq)1, mais file au MIT tous les étés pour donner quelques cours et « garder un pied aux États-Unis, où se fait l'essentiel de la recherche en économie ». En 2004, Jean-Jacques Laffont décède prématurément. Jean Tirole prend le relais de son ami à la tête de l’aventure toulousaine, plébiscité par ses collègues. Un choix rendu indiscutable par son palmarès scientifique. Mais quel est-il vraiment ?

Des applications à foison

Pour faire simple, notre économiste a développé des notions théoriques très importantes (lire notre article "Les jeux de l'économie selon Jean Tirole") qu’il a ensuite appliquées à une multitude de problèmes concrets. Son domaine de prédilection ? La nouvelle économie industrielle, dont il est le père fondateur. Auteur en 1988 de l’ouvrage de référence en la matière, connu comme « Le Tirole » dans le monde entier, il a travaillé, entre autres, sur l’économie des logiciels libres, les regroupements de brevets, ou encore les ententes tacites entre entreprises. Une de ses marottes : les marchés « bifaces », « qui organisent des interactions entre plusieurs catégories d’usagers, tel un moteur de recherche qui offre le service au grand public mais fait payer les entreprises qui y figurent ». Utilisés par les sociétés de conseil en gestion et les autorités de la concurrence du monde entier, ces travaux permettent de comprendre comment fonctionnent ces modèles économiques qui concernent aussi les chaînes de télévision gratuites financées par la publicité, les réseaux de cartes bancaires ou encore les journaux gratuits.

Conférence de Jean Tirole (2013)

À propos
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A réécouter, une conférence donnée par Jean Tirole en novembre 2013, lors du Forum organisé par le CNRS.
2014

Autre thème majeur : la régulation des industries de réseau, telles que les télécoms, l’électricité, les chemins de fer, le gaz, la poste, etc. « Dans ces secteurs, explique-t-il, les monopoles pourraient piéger le consommateur dans des prix élevés ou des services médiocres. » Avec Jean-Jacques Laffont, il a offert aux régulateurs de ces monopoles, généralement l’État, toute une batterie de mesures pour prévenir ce genre de problèmes. En outre, les deux chercheurs ont fourni le premier cadre conceptuel pour réfléchir à l’introduction de la concurrence dans ces secteurs si particuliers. En parallèle, Jean Tirole explore de nombreux autres champs, avec toujours plus de réussite. Prenez la finance : après des travaux sur les crises financières internationales ou sur les conséquences pour une entreprise d’une introduction en Bourse, il vient de publier une synthèse de la finance d’entreprise moderne qui lui a valu le prix Risques-Les Échos 2007. L’avis de son collègue Jean-Charles Rochet ? « Dans cet ouvrage, Jean est parvenu à structurer vingt années de recherche mondiale et à ouvrir de nouvelles voies. » Rien de moins.

De l’écologie à la psycho

Quand le jeu en vaut la chandelle, notre économiste ne craint pas, en effet, de forcer sa nature discrète pour jouer les éclaireurs de luxe. Un exemple ? Dans les années 1990, avec Jean-Jacques Laffont, il milite pour le recours aux droits d’émission négociables, ou permis de polluer (tels que ceux mis en vigueur en 2005 pour les gaz à effet de serre dans le cadre du protocole de Kyoto). Le principe : les entreprises se voient allouer des quotas pour leurs émissions polluantes, qu’elles peuvent se revendre entre elles. Immoral ? « Non, c'est la meilleure manière d'imposer de manière juste et efficace une restriction globale de la pollution », répond, démonstration à l’appui, notre chercheur. Actuellement, Jean Tirole travaille sur le protocole qui prendra le relais en 2012.

Second fléau auquel il se mesure : le chômage. En 2003, il propose plusieurs pistes avec son confrère Olivier Blanchard, du MIT, dont la création d’un contrat unique en lieu et place des actuels CDD et CDI. Et, plus surprenant, la transposition dans le Code du travail du principe pollueur-payeur, en un « licencieur-payeur » : « Le système actuel est un pousse-au-crime : les entreprises qui licencient ne paient pas directement l’indemnisation du chômeur, alors que celles qui ne licencient pas continuent à verser des cotisations à l’assurance-chômage. La solution : faire payer aux entreprises une taxe sur chaque licenciement, en échange de la réduction de leurs cotisations chômage et d’un allégement des procédures. »

La tentation d’un engagement politique pour promouvoir ce genre de travaux ? Elle est nulle : notre homme tient trop à sa neutralité scientifique (voir à ce propos "L'économie peut-elle être apolitique", une interview filmée de Jean Tirole réalisée en 2008) et à sa liberté intellectuelle. Pour preuve, ses infidélités répétées à sa discipline : bourreau de travail, il apporte régulièrement son éclairage sur des notions chères aux sociologues, comme l’autorité et ses différentes formes au sein d’une entreprise. Ou d'autres, chères aux psychologues, comme l’automanipulation, cette inclination à enfouir certaines informations dans un coin de notre tête, ou les motivations, financières ou non, des comportements altruistes. Une diversité que l’on retrouve dans les goûts de ce personnage attachant, de l’opéra au rock, du cinéma aux beaux-arts en passant par les bandes dessinées et le sport… Insatiable, ce père de trois enfants ? « Mes journées sont bien trop courtes », confirme-t-il dans un soupir. Le temps, c’est de l’argent, dit le dicton. Au contact de Jean Tirole, fallait-il s’en douter, il a depuis longtemps valeur d’or.

 
      
     
En ligne
: le communiqué du CNRS saluant le prix Nobel de Jean Tirole.

A voir : notre infographie pour explorer le palmarès des Nobel

Notes
  • 1. Groupe CNRS / Université Toulouse-I / Inra.

Commentaires

4 commentaires

Les mathématiques ont leur médaille Fields. L'économie a son prix de la banque centrale de Suède. L'économie ne figure pas dans les disciplines que voulait encourager A.Nobel. Et puis, avouons-le l'économie n'est pas une science. Dommage que le CNRS ne saisisse pas la nuance, ou participe d'une mauvaise information.

Nombre de dons sont nominaux, parce que l'on a des réductions fiscales. Nombre de gens choisissent plus le présent, parce que la dette est subventionnée et l'épargne taxé. Je serais curieux de savoir comment l'on intègre les institutions dans ces travaux...
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