Sections

Du quark à l’Univers, la physique d’un infini à l’autre

Dossier
Paru le 27.10.2023
Une année sous le signe de la physique

Du quark à l’Univers, la physique d’un infini à l’autre

25.11.2022, par
Les scientifiques cherchent des traces de la fameuse matière noire qui leur échappe encore.
Quels sont les liens entre l’infiniment petit et l’infiniment grand ? Comment les briques fondamentales de la matière s’assemblent-elles pour former des étoiles, des galaxies ou des trous noirs ? Tout juste paru, le livre "Étonnants infinis" nous embarque au cœur d’une grande aventure scientifique retracée par une quarantaine de chercheurs. Ursula Bassler, coordonnatrice de l'ouvrage, nous en explique les enjeux.

Pourquoi aborder l’infiniment grand et l’infiniment petit dans un seul ouvrage ? Qu’est ce qui les lie l’un à l’autre ?
Ursula Bassler1. L’ambition des physiciens est de faire une description cohérente de l’Univers basée sur des lois universelles. Le lien entre la physique de l’infiniment grand et celle de l’infiniment petit s’établit naturellement. On cherche à montrer à quel point les observations cosmologiques ont des conséquences sur la physique des particules, et vice-versa. Par exemple, le boson de Higgs découvert en 2011, a joué un rôle fondamental aux premiers instants de l’Univers. On sait aussi qu’au moment du Big Bang, il y avait autant de matière que d’antimatière. Or, nous sommes dans un Univers fait de matière. Savoir ce qu’est devenue l’antimatière est une question qui tracasse autant les cosmologistes que les physiciens des particules.
 
Autre exemple, on sait que l’Univers est en expansion sous l’impulsion d’une énergie noire et s’est structuré grâce à la présence de matière noire. Les physiciens de l’infiniment petit sont actuellement à la recherche des manifestations particulaires de cette matière. Enfin, il y a tout un pan de la physique qui s’intéresse aux astroparticules. Les rayons cosmiques, les neutrinos cosmiques, les ondes gravitationnelles sont tous des messagers des phénomènes astrophysiques qui se déroulent dans l’Univers.
 

 

Quel a été le processus de rédaction ?
U. B. Il s’agit d’une œuvre collective basée sur les contributions de quarante chercheurs de l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules (IN2P3), mais aussi de l’Institut de physique (INP) et de l’Institut national des sciences de l’Univers (Insu) du CNRS. Les scientifiques ont réalisé un effort important pour vulgariser et rendre concrète leur recherche. Ensuite, nous avons retravaillé les textes pour obtenir un récit qui se lise facilement et qui présente le contexte historique des grandes découvertes. Quelque chose qui caractérise la recherche dans les sciences physiques est qu’elle se fait le plus souvent au sein de grandes collaborations internationales. Ce livre a été conçu dans le même esprit collaboratif pour donner un aperçu large de la recherche à l’IN2P3.

L'ouvrage est riche en phénomènes physiques qui dépassent notre expérience quotidienne et notre entendement. Comment faites-vous pour les rendre accessibles au grand public ?
U. B. En effet, on trouve de nombreuses idées étranges comme celle d’un vide qui n’est pas vide, mais produit des particules, des neutrinos qui oscillent, un espace-temps qui tremble ou de l’antimatière qui pourrait « tomber » vers le haut. Ce sont des phénomènes physiques bien éloignés de la vie de tous les jours. Au-delà du texte, nous avons tenté d’illustrer ces concepts avec des infographies qui guident le lecteur et l’aident à se faire une image mentale de ces concepts. Nous avons inclus beaucoup d’images, de belles images, car nous voulions aussi que ce livre soit beau regarder.
 
Étonnants infinis s’intéresse aussi aux méthodes et aux instruments ayant mené aux grandes découvertes. L’histoire des deux infinis, c’est aussi l’histoire des moyens et de l’inventivité des scientifiques ?
U. B. En effet, il y a un échange perpétuel entre science et technologie. Les avancées technologiques permettent d’accéder à de nouvelles connaissances et en même temps, les questions scientifiques poussent au développement de nouvelles technologies. C’est fascinant de voir le chemin parcouru depuis les premières émulsions photographiques pour capter la trace des particules et les grands détecteurs du LHC. Il faut aussi noter que dans ces disciplines, les instruments sont conçus et développés dans les laboratoires avant d’être construits en collaboration avec des industriels. Un autre aspect important est le traitement des données. La physique des particules produit massivement des données, au point que, jusqu’en 2014, une part majoritaire des données qui circulaient via Internet étaient celles produites par le LHC.

Ursula Bassler au Cern en 2018.
Ursula Bassler au Cern en 2018.

Les applications technologiques qui découlent de ces grandes théories et expériences sont également abordées. Pourquoi s’intéresser aussi à ces questions ?
U. B. On croit souvent que la cosmologie et la physique des particules sont des sciences abstraites sans lien avec le quotidien. On voulait montrer que c’est le contraire, et qu’il y a un lien entre l’infiniment abstrait et l’infiniment concret. Les méthodes et les résultats de ces recherches ont des applications en imagerie médicale, par exemple, ou dans les instruments qui permettent d’imager l’intérieur d’un volcan. Sans oublier, bien sûr, la création du World Wide Web au Cern. On aborde aussi la problématique de l’énergie nucléaire et celle de la radioactivité dans l’environnement. Tout cela fait aussi partie de la physique des deux infinis. 

Un des grands sujets qui parcourt ce livre est l’idée d’unification de la physique des deux infinis. Pensez-vous que nous sommes proches de ce moment charnière où l’on réussira à réunir ces deux physiques en une seule grande théorie ?
U. B. Je n’en ai aucune idée, mais la création d’une théorie de la gravitation quantique permettant d’unir la gravitation qui agit à grande échelle et la mécanique quantique qui décrit le monde microscopique est une des motivations pour continuer ces recherches. Pendant longtemps, les recherches expérimentales étaient guidées par les prédictions théoriques. Actuellement je crois que c’est l’expérimentation et les observations qui doivent montrer le chemin. Ce sont elles qui signaleront, peut-être, des incohérences dans les modèles physiques actuels et nous donneront ainsi les pistes d’une nouvelle physique. ♦

À lire 
Étonnants infinis, Ursula Bassler (dir.), CNRS Éditions, nov. 2022, 336 p., 24 €

Notes
  • 1. Directrice adjointe scientifique de l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules (IN2P3) du CNRS.

Commentaires

1 commentaire

Bonjour L’infiniment petit -sauf démonstration contraire n’existe pas.... Je récuse le mot INFINIMENT petit ! INFINIMENT petit, c’est-à-dire une chaîne d’éléments divisibles, qui n’aurait pas de fin, n’est –à mon humble avis et pas seulement- pas imaginable. Car une échelle minimale, au-dessus de laquelle il n’y a rien, s’y oppose. En d’autres mots : il existe une limite inférieure à la divisibilité de l’espace. La plus petite longueur possible, appelée « longueur de Planck », est non nulle mais égale à 10-³³ cm. « Extrêmement » petit me semble plus raisonnable. A l’état actuel de nos connaissances rien ne peut être plus petit que l’échelle de Planck ! La singularité –supposée au moment du Big Bang- que prévoit la relativité générale disparaît si l’on tien compte de la gravité quantique. Quant à l’Univers, bien malin celui qui peut démontrer qu’il soit infini ou son contraire…. Aujourd’hui, personne ne peut affirmer que l’univers est infini ! L’expérience qui pourrait « vérifier » que notre Univers serait infini est une expérience qui, du fait même des propriétés de l’infini, est incapable de fournir un résultat rationnel…. Bine à vous AP
Pour laisser votre avis sur cet article
Connectez-vous, rejoignez la communauté
du journal CNRS